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apprécier la nature, il révèle les altérations secondaires des cristaux, les modifications qu’ils ont subies, soit spontanément, sous l’influence des forces moléculaires intérieures, soit indirectement sous l’action des agens extérieurs. Un corps est-il fortement réfringent, le fait est aussitôt dévoilé par les ombres fortement accusées qui lardent le pourtour de ses sections et par le relief accentué qui les signale. L’aspect de la surface de la section est encore un caractère qui souvent suffit pour faire reconnaître une espèce minérale. Parmi les échantillons cristallins tranchés dans une coupe, les uns offrent une surface toujours lisse ; d’autres se montrent au contraire constamment criblés de fines inégalités et possèdent un aspect chagriné tout spécial. Quand un minéral est flexible, le microscope le montre en feuillets d’une ténuité extrême, contournés et tordus ; s’il est rigide, cette propriété est attestée par des cassures à arêtes vives.

En un mot, une foule de caractères distinctifs des minéraux cristallisés très petits peuvent être constatés au microscope ordinaire, privé de tout moyen auxiliaire spécial ; mais cet instrument, déjà si efficace dans ce cas, devient encore bien plus puissant quand on le munit, dans des conditions convenables, d’appareils susceptibles de transformer la lumière naturelle en lumière polarisée. Afin de donner au lecteur une idée du parti que l’on tire de cette modification, je rappellerai brièvement la constitution de la lumière en général et quelques-unes des propriétés principales de la lumière polarisée.

Quand un rayon de lumière se propage dans un milieu quelconque, il se produit tout le long de son trajet des vibrations au sein d’un fluide impondérable, désigné par les physiciens sous le nom d’éther. Ce fluide est répandu partout ; il existe aussi bien dans le vide des espaces planétaires que dans l’intervalle des molécules qui composent les substances matérielles. Les vibrations de la lumière naturelle sont désordonnées ; celles de la lumière polarisée se font au contraire avec une régularité parfaite. Dans le cas de la lumière polarisée rectilignement, la seule qui nous intéresse ici, le mouvement des molécules d’éther a lieu dans une direction unique ; il se compose d’oscillations d’une petitesse et d’une rapidité extrêmes.

Ainsi la lumière polarisée n’est autre chose que de la lumière naturelle dont les mouvemens ont été régularisés. Cette transformation peut être opérée de plusieurs manières ; mais l’un des moyens les plus simples, celui que l’on associe de préférence à l’usage du microscope, consiste à faire passer la lumière au travers d’un prisme de spath d’Islande coupé obliquement en son