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des ordures, ait sauté sur cette proie et l’ait accommodée à sa façon pour la servir à ses lecteurs, cela n’a rien de surprenant. Mais comment Rochefort n’a-t-il pas répudié immédiatement et sans examen cette indécente balourdise ? Son journal, le Mot d’ordre, devint au contraire en quelque sorte le moniteur officiel des mystères du couvent de Picpus, et l’on reste stupéfait de voir qu’un écrivain d’esprit n’a pas été saisi de dégoût devant cette turpitude. Après tout, il est possible que, pour certains hommes, le dernier mot de la politique consiste arracher sur ses adversaires et à se glorifier soi-même ; mais avant de se rendre complice de cet attentat contre la vérité, on aurait dû se rappeler que les dames blanches, tenant un pensionnat où plus de cent cinquante fillettes se réunissaient, rendaient des services quotidiens et permanens à la population du quartier Saint-Antoine. C’était surtout aux filles d’ouvriers que l’on portait préjudice, bien plus qu’à de pauvres religieuses dont, n’en déplaise aux opinions préconçues des athées révolutionnaires, le royaume est bien peu de ce monde. On m’a dit, on m’a affirmé que Rochefort avait été à Saint-Lazare voir les dames des sacrés cœurs et qu’il les avait « blaguées ; » je me suis toujours refusé à le croire, et je reste convaincu que ceux qui m’ont raconté le fait se sont involontairement trompés. S’il avait fait cette visite, on serait en droit de supposer qu’il a pu ajouter foi à ces cancans de portière, ce qui est inadmissible.

Les communards, forts des découvertes ingénieuses faites à Picpus, étaient indignés des tortures que les victimes avaient eues à subir, et ils s’étonnaient qu’en plein XIXe siècle on pût encore martyriser « un être humain. » Dans ce même couvent, d’où les religieux picpuciens avaient été arrachés pour être menés, au milieu des vociférations et des menaces de mort, jusqu’à la Conciergerie en attendant la rue Haxo, où quatre d’entre eux tombèrent, dans ce même couvent on put apprécier comment les agens de la commune comprenaient et pratiquaient le progrès des mœurs. Le 15 mai, le commissaire de police Clavier et son inspecteur Girault sont au couvent des pères de Picpus ; des fédérés complètement ivres leur amènent un homme qu’ils ont rencontré dans la rue de Reuilly et qui, malgré ses vêtemens bourgeois, ressemble à un prêtre. Ces ivrognes perspicaces ne s’étaient point trompés, ils avaient mis la main sur l’abbé Majewski, prêtre-sacristain de l’église Saint-Eloi. Clavier procède à l’interrogatoire, lequel consiste à injurier Majewski, à le fouiller et à lui voler une somme de 150 fr. 75 c. Ceci fait, il le livre à Girault, qui le conduit dans une salle d’attente où quatre autres prisonniers sont enfermés. Là Girault fait déshabiller complètement le malheureux prêtre, lui prend sa canne