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l’alimentation et à la défense. Cette solidarité aura pour résultat ce qu’on nomme en économie politique la coopération, c’est-à-dire le concours à un but final qui est la conservation de l’ensemble. Grâce à cette coopération, chacun est à la fois un moyen et une fin par rapport à tous les autres : le laboureur sert au magistrat, le magistrat au laboureur, le guerrier au laboureur et au magistrat. Ainsi les divers organes de l’être vivant se prêtent un mutuel appui : c’est le « cercle de la vie, » et on peut dire que toute société humaine, toute famille, toute nation forme un cercle analogue.

Des caractères essentiels de la vie passons à la structure générale des êtres vivans. Dans chaque organisme complet et un peu élevé, M. Spencer remarque avec raison qu’il y a trois grands systèmes d’organes exécutant trois fonctions dominantes : les organes de la nutrition (dont la reproduction n’est qu’un cas particulier), les organes de relation et les organes de la circulation ; en d’autres termes, le système alimentaire (estomac, foie, etc.), le système directeur (cerveau, nerfs), le système distributeur (cœur, vaisseaux sanguins). Voyons-les d’abord au début de la série des êtres. Quand le corps d’un des animalcules d’ordre très bas dont la mer est peuplée cesse de former une masse entièrement homogène, on commence à y distinguer deux couches, l’une extérieure, en commerce avec le milieu, et qui formera les organes de relation ou de direction (tentacules, cils moteurs ou défensifs, etc.), l’autre intérieure, entourant la cavité digestive, et qui sert à élaborer les alimens. D’abord en contact et en rapport direct, ces deux systèmes, alimentaire et directeur, à mesure qu’ils se diversifient et se compliquent chacun de son côté, se complètent par un troisième système intermédiaire, le système distributeur, lequel porte à toutes les parties du premier la nourriture préparée par le second : ce ne sont d’abord que de petits canaux très simples qui à la fin deviendront, chez les êtres plus élevés, l’appareil circulatoire avec ses mille ramifications. De même une société se partage d’abord en deux classes, l’une qui travaille et produit les choses nécessaires à l’alimentation, l’autre qui dirige, commande, veille aux rapports de la communauté avec le dehors plus tard seulement apparaît une classe intermédiaire qui distribue les produits dans tout l’ensemble pour la consommation finale. M. Spencer a donc raison de dire : « La classe qui achète et revend, en gros ou en détail, les produits de toute sorte ; et qui par mille canaux les distribue partout à mesure des besoins, accomplit la même fonction que dans un corps vivant le système circulatoire. »

On le voit, l’industrie, le gouvernement et le commerce sont dans une nation parallèles aux trois principales classes d’organes qui entretiennent la vie chez un animal. Nous ne suivrons pas M. Spencer dans les innombrables détails à travers lesquels il poursuit