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on avait vaincu l’archevêque, et le jour même on allait vaincre quelques vieux prêtres à la rue Haxo.

La cause était trop mauvaise, elle était fatalement perdue. Elle n’était qu’une apparence et n’avait aucune réalité. Boire de l’absinthe, manger du cervelas, piller quelques maisons particulières, dévaliser les caisses publiques, fermer les églises, supprimer le service des mœurs, incarcérer les honnêtes gens et être gouverné par des idiots enragés, ne constitue pas un principe sur lequel on puisse appuyer une révolution. Ils se rendaient compte de cela bien vaguement, il est vrai, mais assez cependant pour avoir eu une sorte d’indécision qui jamais ne leur a permis d’échapper à leur logomachie habituelle, et de prendre une résolution. Ils tenaient Paris, cela n’est pas douteux, ils le savaient, ils en étaient très fiers ; mais en même temps ils sentaient que la conscience de Paris se soulevait naturellement contre eux, et ils n’étaient point rassurés. C’est là surtout ce qui fait leur faiblesse et donne à tous leurs actes une incohérence extraordinaire. A y regarder de très près, on s’aperçoit que la commune a été le règne de quelques enfans malfaisans, qui n’eurent ni volonté, ni consistance, ni programme, et qui remplacèrent tout cela par des actes de violence. Comme législateurs, ils sont au-dessous du grotesque, comme militaires, ils sont fort médiocres et deviennent d’une nullité complète dès qu’ils ne sont pas abrités derrière un épaulement ou derrière une barricade. Les fédérés, — ces fameux soldats de la revendication sociale, — me paraissent avoir donné bien souvent du fil à retordre a leurs chefs, car ils n’obéissaient que lorsque la fantaisie leur en prenait. Toutes les lettres des commandans de forts, des officiers supérieurs que l’on possède, ressemblant à des cris de désespoir. Cela donne une singulière idée de ce prétendu dévoûment à la « cause sacrée » dont on a fait, dont on fait encore tant de bruit dans les journaux communards. On a trop parlé d’héroïsme, je crois qu’il en faut rabattre. Des batailles du siège, ils avaient conservé un souvenir qui les a trompés ; alors plus d’un bataillon était sorti de Paris, avait refusé de courir aux Allemands et avait été récompensé[1]. Il n’en était plus ainsi ; on ne pouvait plus compter sur la ligne, car cette fois c’était la ligne qu’il fallait combattre. On se trouvait en présence des capitulards, et l’on s’apercevait avec angoisse qu’ils

  1. Ils (un régiment de garde nationale, affaire de Buzenval) sont restés dans le parc de Bois-Préau à faire la soupe, ils l’ont même faite deux fois. Le colonel de Miribel les envoya chercher par son aide de camps ils ont trouvé je ne sais quel prétexte et ne sont point venus. Le soir, ils sont rentrés à Paris, et ce régiment, dont je viens de citer les exploits, a reçu à son retour huit croix, huit médailles et six citations. (Déposition du général Ducrot devant la commission d’enquête parlementaire sur le 18 mars, t. III, p. XXIV, — éd. 1872).