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l’incendie, nous pouvons atteindre les nôtres, et cela ne doit pas être. Nous avons le droit de nous faire sauter la cervelle, mais jamais celui de brûler les maisons où sont enfermés des femmes et des enfans. Des fusils, des canons et des mitrailleuses aux barricades, soit, mais, je le répète, cessons l’incendie[1]. » Cette honnête protestation ne fut pas entendue, et le volcan révolutionnaire continua à se vomir lui-même.

Les incendiaires avaient souci de faire évacuer les maisons avant de les brûler. Au ministère des finances, qui fut saturé de pétrole, on prescrivit à tous les employés de se retirer ; puis on mit le feu dans le cabinet du secrétaire général[2]. A l’Hôtel de Ville, le 24 mai, pendant les heures nocturnes du matin, il n’y avait plus personne ; seuls les chefs d’incendie étaient à leur poste ; l’un d’eux, le plus considérable, monté dans le campanile, écoutait et regardait ; il devait allumer les foyers préparés aussitôt que les troupes françaises apparaîtraient aux Halles. Un des incendiaires, Auguste-Adolphe Girardot, qui la veille était aux Tuileries, a complaisamment raconté comment les vastes constructions de l’Hôtel de Ville ont été si rapidement enflammées et consumées. « De distance en distance, on a placé des barils de poudre qui alternaient avec des bonbonnes de pétrole ; l’huile coulait, on l’a allumée, ça n’a pas été plus difficile que ça[3]. »


III. — L’ARMEE FEDEREE.

C’était facile, en effet, et l’on pourrait appliquer à presque tous les chefs de la commune le mot dont Rossel a marqué Félix Pyat : « Ce misérable se préoccupait plus de se venger de la défaite que d’arracher le succès aux ennemis de la révolution. » Ils ont combattu dans Paris, non pas pour s’assurer la victoire, mais comme l’on dit, pour faire payer cher leur défaite. Ils savaient tous, à n’en pas douter, qu’ils seraient vaincus aussitôt que les soldats français auraient dépassé les fortifications. Cela peut paraître étrange, mais cela est ainsi. Cependant ils paraissaient invincibles dans Paris même, dans Paris, où ils avaient élevé quatorze

  1. Procès Clovis Dupont ; déb. cont., quatrième conseil de guerre, 31 juillet 1875.
  2. Il y eut deux incendies bien distincts au ministère des finances : l’un produit le lundi 22, par un obus venu des batteries françaises : il fut éteint par les pompiers et les fédérés ; l’autre allumé le mardi 23 intentionnellement, après que des touries de pétrole avaient été versées dans les appartemens. Les communards ont toujours volontairement confondu ces deux incendies et rejettent sur l’armée française la responsabilité de la destruction du ministère, qui leur incombe absolument.
  3. Procès Girardot ; déb. contr., neuvième conseil de guerre, 24 avril 1872.