Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la synagogue ; il lui est interdit de faire ou de faire faire des répétitions de catéchisme, ou de donner des dispenses pour aller aux enseignemens religieux. » On aurait probablement fort étonné Régère, si on lui avait dit que cet arrêté, contresigné par les adjoints et par les membres de la commission d’enseignement, était l’œuvre d’un fanatique ; il n’en aurait rien cru, et ce n’est cependant que la stricte vérité. Empêcher d’aller à la messe, forcer d’aller à la messe, c’est tout un et c’est faire acte d’intolérance ; mais ces nigauds ne se sont jamais doutés de cela. Non-seulement la liberté de conscience s’opposait à ce que des enfans pussent aller à l’église, mais elle ne permettait pas de dire les dernières prières sur un mort. Saint-Jacques-du-Haut-Pas venait d’être envahi par les fédérés ; des sentinelles gardaient les deux portes, celle de la rue Saint-Jacques et celle de la rue de l’Abbé-de-l’Épée. Tous les fidèles avaient été chassés ; les prêtres, maintenus dans la sacristie, discutaient avec deux délégués de la sûreté générale qui faisaient une perquisition. À ce moment, un convoi funèbre arrive et s’arrête devant l’église. Les parens, les amis qui accompagnent le corps, demandent à entrer pour assister au service qu’ils ont commandé. On se contente de répondre : « On ne passe pas ! » Le chef de la compagnie des fédérés intervient et met tout le monde d’accord en disant : « Eh ! vous nous embêtez, tout ça est passé de mode ; allez porter directement votre mort au cimetière, c’est ce que vous avez de mieux à faire, ce sera toujours plus convenable que de le faire asperger d’eau sale par des calotins. » Les pauvres gens eurent beau insister, ils furent obligés de partir et de se diriger sans prières et sans prêtre vers le cimetière Montparnasse. Ceci se passait le 16 avril, et j’en fus témoin. Le même jour, le couvent des Oiseaux, maison exclusivement consacrée à l’éducation des jeunes filles, était occupé militairement. Chaque fois qu’une maison religieuse était fouillée par les fédérés, le même fait se produisait invariablement. Devant la porte, des vieilles femmes, des écloppés, des estropiés, des indigens, se réunissaient, levaient les mains vers le ciel, et se lamentaient en disant : « Qui nous donnera des soupes et du pain ? qui nous fera l’aumône ? qui nous vêtira pendant l’hiver ? qu’allons-nous devenir ? » Et toujours il se trouvait là un brave soldat de l’athéisme, — un malin auquel on n’en faisait pas accroire, — qui disait : a Ces satanés curés, comme ils savent fanatiser le peuple ! »

Ce n’était pas assez de chasser ces malheureux, la commune les accusa de désertion et publia, le 26 avril, un avis qui appelait à la rescousse tous les instituteurs laïques : « Les frères et les sœurs des écoles chrétiennes ont abandonné leur poste… l’ignorance et