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même, dans les arts, c’est tantôt l’idée architectonique, tantes l’idée pittoresque et tantôt l’idée sculpturale qui prend l’autorité et qui régit ses sœurs. Ainsi on peut constater qu’au XIe, au XIIe et au XIIIe siècle c’est l’architecture qui est reine, et qu’alors tous les autres arts sont asservis à ses formes. Au XIVe et au XVe siècle, la sculpture déborde, brise les lignes, sort des cadres qui lui sont donnés, accable les édifices de son luxe exubérant. À la renaissance, la peinture l’emporte, trouble la sculpture et, envahissant l’architecture, exige d’elle des effets qui sont de l’ordre du décor. À notre époque on peut dire que c’est la sculpture qui prend le dessus, et que l’architecture, souvent plus jalouse de l’ornementation que de la proportion, cherche à faire valoir ses œuvres en appelant à elle toutes les ressources dont le ciseau dispose. On dit aussi que la sculpture suit une voie plus sûre. Mais le préjugé en faveur de la peinture est si fort qu’elle tient toujours le premier rang dans l’opinion. En tout cas elle est plus accessible, et alors même qu’elle recourt à l’étude de la sculpture, elle semble encore exercer sur elle sa domination. En résumé, est-ce le fait de notre organisation administrative ou le signe du temps ? Jamais chacun des- arts, bien ; qu’ils s’entr’aident sans cesse, ne s’est développé avec plus d’indépendance.

Quoiqu’on veuille conclure de ce fait, le Salon ne semble pas établi pour nous permettre de constater des vérités d’un pareil ordre, parce qu’en dépit du nombre des ouvrages qu’il réunit, les termes de comparaison qu’il faudrait rapprocher restent incomplets. Le Salon n’est pas non plus destiné à encourager le grand art, qui ne se produit à son avantage que dans les édifices ; Pour se rendre compte de l’état de notre peinture historique et religieuse, il faut attendre que la décoration du Panthéon soit achevée. Tels qu’ils existent, les Salons doivent être considérés comme des musées temporaires, comme des galeries passagères dans lesquelles tous les genres sont, comme au Louvre, accueillis avec une égale faveur. Cette égalité une fois constatée, l’idée qui en découle s’étend et la masse des artistes s’en autorise pour réclamer, comme un droit, leur place à l’exposition. Inévitablement, ce qui n’est encore qu’une proposition discutée deviendra un fait acquis. Il en résultera pour le service des beaux-arts l’obligation de faire, à certains intervalles, des expositions de choix dans lesquelles il interviendra pour exercer sa direction, manifester ses vues élevées, sauvegarder, en matière d’art, l’intérêt supérieur de l’état.

La légitimité de cet intérêt est souvent contestée, et tandis que les uns, qui forment la majorité, sont disposés à tout exiger de l’administration, à lui demander de reconnaître à leur profit une sorte