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sa fraîcheur et l’ombre ; qui l’enveloppe, ne semble pas la retraite profonde de la reine des forêts. Toutes les figures, variées d’âge et de caractère, sont parfaitement élégantes. Cependant l’artiste, n’a-t-il pas donné un type un peu trop mondain à la chaste déesse ?

Les qualités qui distinguent ce tableau, de même que les ouvrages que nous avons rangés dans le même groupe, c’est la correction, l’étude et la distinction de la forme. On ne peut les analyser sans remarquer combien chaque figure est choisie avec soin et rendue avec une sorte de prédilection. Les œuvres de MM. Bouguereau, : J. Lefèvre, Landelle sont certainement destinées à entrer dans nos musées. Mais les sujets dont nos artistes se sont inspirés peuvent être envisagés à un autre point de vue, celui de la décoration. Le. Salon, disposé comme il l’est, ne peut être très favorable à l’examen de travaux de ce genre ; l’on sent bien que les grandes pages de MM. Lematte et Laugée, de même que le plafond de M. Ehrman, ne sont point à leur place. On reconnaît aisément que les auteurs sont des hommes de talent ; mais, pour bien juger leurs peintures, il faudrait les voir dans leur cadre véritable et dans le milieu qui les attend.

Nous n’en dirons pas davantage sur les sujets mythologiques. Mais, quel que soit le mérite des ouvrages que nous venons d’examiner, nous ne pouvons nous empêcher de penser que les artistes, qui veulent puiser dans la fable devraient étudier de plus près l’archéologie. Loin d’entraver leur imagination, cette science leur fournirait une foule d’idées et les aiderait à donner à leurs compositions, en même temps que la justesse, une richesse dont elles sont exposées à manquer. Les mythes grecs sont d’ailleurs des conceptions de l’ordre le plus élevé qui émeuvent à la fois toutes, les facultés de l’esprit. Il n’est pas douteux que pour un sujet mythologique il ne faille autant de recherches et d’efforts que pour un sujet emprunté à l’histoire ; et cependant ; on croit pouvoir les traiter couramment. Les types divins, par exemple, tels qu’ils ont été créés par les anciens, sont fixés avec une telle précision qu’au premier abord on reconnaît, même dans un fragment, les traits essentiels de chaque divinité. Chacune a son type corporel complet et ses habitudes caractérisées par l’attitude, le geste, les vêtemens, la couleur et le mouvement des draperies et les attributs. Cela peut-il être plus négligé que la ressemblance des personnages, la vérité du costume et l’exacte représentation des lieux lorsqu’il s’agit de peinture historique ? Songez à la fadeur que présentent la plupart des peintures tirées de la fable et voyez au contraire de quelle ressource sont des informations précises pour donner à un tableau d’histoire, un aspect qui le distingue aussitôt de tout ce qui l’environne.

Pour le grand ouvrage qu’il expose, M. J.-P. Laurens s’est inspiré