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agitations de l’esprit, avec ses luttes de la tribune, du barreau et de la presse, cette vie nouvelle offrait comme un cadre naturel et animé à ses dons heureux, à ses facultés diverses, à cette sève de jeunesse intelligente et fière qui n’attendait qu’une occasion. C’est Odilon Barrot, avec qui il était dès lors en liaison, comme il était déjà en liaison intime avec Dupin, l’aîné de cette élite des nouveaux prétoires, — c’est Odilon Barrot qui, dans ses Mémoires, a peint ainsi Berryer, à ces premiers momens légendaires de la restauration : « Sa grâce personnelle, la bienveillance de son caractère le faisaient aimer de tous. Ses croyances religieuses, mêlées à un libéralisme sincère qui, je dois le dire à son honneur, ne s’est jamais démenti, une remarquable capacité des affaires qu’il tenait de son père, une action oratoire que favorisait un organe admirablement timbré, tout cela, joint à une âme tendre et expansive, l’appelait à jouer un grand rôle dans un pays où la parole allait redevenir une puissance. » Plus d’un demi-siècle après, lorsque tant d’événemens avaient passé sur la France, M. Jules Favre parlait avec émotion de « cette grande âme, » de « cette noble et souriante figure, » de « l’autorité irrésistible de Berryer sur ses adversaires eux-mêmes. » Entre ces deux dates se déroule cette carrière d’un homme qui, toujours fidèle à une seule cause en politique, a été en dehors de la politique l’avocat de toutes les causes où il y avait un droit, une faiblesse à défendre, et qui avait commencé en faisant de sa parole le bouclier des vaincus contre les réactions de 1815 et 1816. Avec son père, avec Dupin, il avait défendu devant la cour des pairs la plus illustre, la plus héroïque des victimes de l’esprit de vengeance, le maréchal Ney. Seul il disputait aux conseils de guerre la vie du général Debelle, du populaire Cambronne. Il risquait son jeune crédit en bravant les passions de son parti, et il aurait peut-être échoué dans cette défense des deux accusés, s’il n’avait pas eu à son tour pour défenseur le roi lui-même, Louis XVIII, auprès de qui il avait trouvé appui, qui l’encourageait à « faire son devoir. » Il n’échappait pas du moins, lui le royaliste de la veille, aux sévérités du conseil de discipline de son ordre, qui, sur la proposition du procureur général Bellart, le déclarait atteint et convaincu d’avoir professé, dans son plaidoyer pour Cambronne, des « principes condamnables et subversifs de toute autorité légitime. » Il donnait dès le premier jour la preuve de ce sentiment d’indépendance et d’honneur qui a illuminé sa carrière.

C’était son début dans la restauration, c’était son entrée dans cette vie publique d’un temps qui, dans l’histoire française du siècle, a été une des périodes les plus favorables à l’essor des talens, aux libertés de l’esprit. Temps de jeunesse, en effet, où partout fermente une sève de rénovation intellectuelle et libérale, ou