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sa création d’une Roumélie orientale n’est que le commencement d’un nouveau mécompte, peut-être de nouveaux conflits et de nouveaux embarras.

La difficulté est toujours d’en finir avec les conflits et les complications en Orient. Quand on n’a pas affaire à un imbroglio bulgare, on se retrouve en présence de l’imbroglio turco-grec qui est décidément passé sous la juridiction européenne, et à défaut du différend des frontières helléniques, on a encore toutes les péripéties de l’imbroglio égyptien. Le fait est que tout ce qui se passe en Égypte depuis quelque temps est pour le moins étrange, et, sans se rattacher absolument aux dernières crises de l’empire ottoman, l’incident reste à coup sûr un curieux spécimen de politique orientale. Une tentative peut-être assez risquée, dans tous les cas sérieuse et bien intentionnée, s’est produite sous la forme d’une coopération toute pacifique et administrative de deux des principales puissances de l’Europe, la France et l’Angleterre. Les deux gouvernemens ont prêté à l’Égypte des ministres envoyés de Londres et de Paris, acceptés avec une apparence d’empressement par le vice-roi. L’objet avoué et défini de cette sorte d’intervention, c’était d’aider à une réorganisation financière et administrative de l’Égypte, de mettre le vice-roi en mesure de payer ses dettes, de faire honneur à ses engagemens, d’offrir tout au moins à ses innombrables créanciers les garanties d’une gestion honnête et régulière. Un beau jour, et ce jour n’a pas tardé à venir, le fantasque khédive s’est lassé de cette surveillance incommode, et sans plus de façon il a congédié les agens européens acceptés par lui, accrédités par la France et l’Angleterre. Il s’est mis à arranger ses finances à sa manière, c’est-à-dire en ajoutant au désordre et se mettant une fois de plus en révolte contre tous ses engagemens, en violant des conventions internationales. Il y a eu tout d’abord un certain mouvement de surprise ; on s’attendait évidemment avoir l’Angleterre et la France prendre quelques mesures pour ramener à la raison et à de meilleurs procédés le petit potentat du Caire. Les deux puissances ont protesté sans doute, elles ont témoigné leur mécontentement par des paroles, puis, en définitive, elles n’ont rien fait, elles ont réfléchi ou délibéré ; elles en sont encore là ! Au premier moment, le sultan n’aurait pas été éloigné de traiter sévèrement le vice-roi et de saisir l’occasion d’affirmer son droit de suzerain ; mais le khédive a de puissans moyens d’influence autour du sultan, il s’est hâté de s’en servir, et aujourd’hui les dispositions paraissent avoir sensiblement changé à Constantinople.

Qu’est-il arrivé cependant au milieu de tout cela ? Tandis que l’Angleterre et la France paraissaient dévorer leur injure ou leur mécompte sans pouvoir se mettre d’accord sur ce qu’elles feraient, l’Allemagne, de son côté, est entrée en scène avec un certain éclat, avec une viva-