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l’attention leurs mérites spéciaux, et, chose désirable, les mettre à même d’arriver plus sûrement au partage des récompenses. Assurément c’est en place qu’il faut voir ces œuvres pour juger dans quelle mesure elles s’adaptent au style des édifices et contribuent à les décorer. Mais pour nous ce n’est pas assez, et c’est justement parce qu’elles ont été bien adaptées à leur destination qu’il petit y avoir avantage à les examiner de près. Qu’on se garde d’en douter, ce genre de sculpture comporte aussi une finesse d’exécution suprême, et d’ailleurs les lois auxquelles il obéit ne sont pas, dans leur généralité, suffisamment enseignées. C’est de ces considérations que le règlement paraissait inspiré : cependant son appel n’a pas été entendu.

Mais au fond ce qui importe, c’est que la sculpture monumentale ne soit pas négligée, et en voyant les belles constructions de l’aile nord du palais du Louvre et du pavillon de Marsan, qui ont été récemment débarrassés de leur échafaudage, tout le monde peut se rendre compte des encouragemens qu’elle reçoit. Groupes, frontons, hauts et bas-reliefs, statues, qui sont là distribués avec abondance, mais avec une sûreté magistrale, témoignent assez de l’activité des sculpteurs et de la sollicitude que leur art inspire à l’état. Tous ces ouvrages, et il n’y en a pas moins de cinquante-quatre, ont été exécutés pendant l’année qui vient de s’écouler. En les examinant et en s’attachant dans le nombre à ceux qu’ont signés MM. Gavelier, Bonnassieux, Thomas, Crauck, Barrias et d’autres encore, on comprend assez bien quel objet poursuivent maintenant nos artistes quand ils ont à s’occuper de sculpture décorative : ils cherchent à la fois l’ordre et l’animation dans les lignes, la justesse et l’imprévu dans l’effet. C’est bien le but auquel doit tendre l’art de la décoration lorsqu’il s’applique aux monumens ; car ce serait Une erreur de croire que parce qu’une œuvre est destinée à faire corps avec l’architecture elle est obligée de participer de son immobilité. Qu’on veuille bien regarder les sculptures du Parthénon, et l’on saura ce qu’il faut penser sur ce point controversé. D’après l’exemple qu’elles nous offrent, on serait tenté de dire que, tout au contraire, la sculpture monumentale, quand elle sait se renfermer dans le cadre qu’on lui assigne, quand ses dimensions sont bien calculées, et lorsque par son caractère elle est d’accord avec l’ordonnance dont elle dépend, cette sculpture comporte plus de mouvement, plus de variété et en quelque sorte plus de fantaisie que la simple statuaire dont chaque œuvre, au lieu de n’être qu’un élément et qu’un rapport, est à elle seule un monument.

Cette manière de concevoir la statuaire convient essentiellement