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semble ressortir de la lettre suivante qui fut adressée au citoyen V., inspecteur central de la navigation : « Paris, de 8 mai 1871. Citoyen, un arrêté inséré au Journal officiel du 6 courant nomme le citoyen Landowski commissaire de police de la navigation et des ports. Je vous prie de vous mettre en rapport avec ce citoyen relativement à un abus qu’on nous signale : les mariniers de l’octroi se font les convoyeurs des personnes quittant Paris. On se plaint que les bateaux de service ne soient pas visités ; veuillez avoir d’obligeance, de concert avec ledit commissaire, de voir jusqu’à quel point ces plaintes sont fondées. — Salut et fraternité. Le chef de la 2e division, préfecture de police : A. OLIVIER. » Cette lettre, qui stimula le zèle de Landowski, dans le bureau duquel elle fut retrouvée au ministère de la marine, resta sans effet. On menaça les préposés, ils firent les niais, surent ne rien comprendre aux reproches qu’on leur adressait, et continuèrent, comme par le passé, à sauver les malheureux qui voulaient fuir un Paris devenu inhabitable.

Tout irrégulière que fût l’administration de l’octroi pendant la commune, les choses s’y passaient assez régulièrement, c’est-à-dire que le produit des recettes opérées aux barrières et ailleurs était presque intégralement versé au ministère des finances. Parfois cependant la recette offrait quelque difficulté ; le 7 avril, on en fit une à l’entrepôt général, à main armée, en forçant la caisse qui contenait 327 421 francs. On dit que dans cette circonstance Pichot fit 18 000 fr. d’économies qu’il eut le tort de confier à un de ses amis, car celui-ci, pour mieux les soustraire à la curiosité des Versaillais, les emporta, et ne reparut plus[1]. Il est difficile de savoir comment Volpénil, conseillé par Pichot, tenait sa comptabilité, car tout a été détruit ; on n’a sauvé que d’insignifians ordres du jour imprimés sur papier rouge, et un drapeau rouge à moitié brûlé qui, par ses ornemens baroques, ressemble à une bannière de compagnonnage. Volpénil et Piohot sont innocens de l’incendie de l’octroi ; ils n’y étaient plus, ils étaient déjà bourgeoisement partis en omnibus[2], lorsque les fédérés du 174e bataillon vinrent lancer le pétrole et le feu dans les deux annexes de l’Hôtel de Ville, qui déjà n’était plus qu’un brasier. C’est dans la journée du lundi 22 mai, à l’annexe, où l’Assistance publique avait ses bureaux, que fut faite la dernière commande, — commande considérable d’huile de pétrole. Un échange de paroles eut lieu à cet égard, sur l’escalier même,

  1. Procès de A.-D. Pichot ; déb, contr., sixième conseil de guerre, 3 février 1872.
  2. Volpénil emporta le produit des dernières recettes de l’octroi, 23 700 francs, qu’il déposa entre les mains de Jourde à la mairie du XIe arrondissement. — Le dernier argent que reçut le délégué aux finances lui fut remis par Gabriel Ranvier : 7 000 francs provenant de la caisse du XXe arrondissement.