Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/700

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’artère pulmonaire va au poumon, puis retourne au cœur ; mais il n’en donne pas la preuve. La seule expérience précise des prédécesseurs de Harvey est celle de Césalpin : la veine, étant comprimée, se gonfle au-dessous, non au-dessus de la compression. Quant à Harvey, à chaque instant il fait des observations, des expériences. Les opinions d’Aristote ou de Galien lui importent peu : il regarde le cœur qui se contracte, les veines qui se vident du côté du cœur, il suppute la quantité de sang passant en un moment donné soit dans les artères, soit dans les veines. Servet, Ruini, Colombo, Césalpin ont conçu la circulation. Harvey l’a démontrée.

Non-seulement Harvey est le premier qui ait prouvé la circulation du sang, mais c’est encore celui qui l’a vulgarisée. Jusque-là les érudits seuls connaissaient les écrits de Servet, de Césalpin, de Fabrice même. Après Harvey, on ne peut passer la doctrine de la circulation sous silence. Protestans et catholiques seront impuissans à l’étouffer et à la livrer aux flammes, comme ils ont fait pour la Restitution du Christianisme. Rapidement l’ouvrage de Harvey se propage : les réfutations, les objections se présentent de toutes parts. L’idée de la circulation du sang, émise, comme nous l’avons dit plus haut, par Servet et Césalpin, n’est plus spéciale à un petit groupe d’anatomistes de Padoue : elle entre dans le domaine général, et à partir de 1629 s’impose à toutes les doctrines médicales, à toutes les recherches physiologiques.

La vie de Harvey peut se résumer en quelques mots. Il naquit à Folkestone dans le comté de Kent, le 1er avril 1578. Il fit ses premières études à Canterbury, près de Cambridge. En 1598, il alla à Padoue, et revint en Angleterre en 1609. Membre du College of Physicians de Londres en 1604, il fut, en 1609, nommé médecin de l’hôpital Saint-Barthélémy. Il enseigna l’anatomie au collège royal, et dès 1615 il professait déjà la circulation du sang. Médecin du roi Charles Ier, il partagea les vicissitudes politiques de son souverain. La populace de Londres, pendant la guerre civile, pilla son logement, et détruisit un manuscrit où il traitait de la génération des insectes, il n’eut pas d’enfans, et mourut, en 1657, à l’âge de quatre-vingts ans. Comme médecin, il avait une clientèle considérable, Il paraît que la publication de son livre sur la circulation diminua brusquement sa clientèle, et lui fit perdre beaucoup d’argent. La postérité l’a suffisamment récompensé.

Les objections que Harvey a eu à combattre sont le plus souvent absurdes. Le principale est que la circulation du sang n’est admise