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la main du pape, et vous verrez qu’elle se développe avec toute la régularité d’une déduction logique. Née dans les catacombes, contrainte à s’y cacher pour échapper à la persécution, l’église n’est d’abord qu’une société secrète, et, comme toutes les sociétés secrètes, elle se donne une organisation purement démocratique. Les fidèles nomment leurs pasteurs, diacres, prêtres, évêques et discutent avec eux tous les intérêts de la communauté. Point de représentation particulière, point d’autre gouvernement que celui de tous. C’est au iiie siècle seulement que la nécessité d’établir un lien doctrinal et disciplinaire entre les nombreuses églises éparses dans tout l’empire amène l’usage des conciles provinciaux, et c’est au ive siècle que se réunira le premier concile œcuménique où seront arrêtées la hiérarchie sacerdotale et l’unité de la foi. La constitution de l’église change alors : c’est encore une démocratie, mais une démocratie gouvernée par des évêques tous égaux en droits ; les patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, l’évêque de Rome lui-même, n’ont qu’une primauté d’honneur sur leurs collègues.

Mais voici venir l’invasion ; la grande unité de l’empire est dissoute ; la société s’émiette et se divise à l’infini. L’autorité prend la forme féodale. L’église se fait alors, elle aussi, féodale ; elle entre dans le système ; elle s’y taille une large et forte place. Ses évêques deviennent de grands seigneurs, à la fois temporels et spirituels, armés du double glaive et formant une puissante oligarchie. C’est le second âge de l’église ; l’âge de fer après l’âge héroïque. L’épiscopat est tout entier dans le siècle, et quel siècle ! il a perdu sa vertu primitive ; le vice et la corruption dont il est entouré l’ont gagné. Alors se lève sur lui, pour le châtier et le courber sous sa loi, le grand pape réformateur du xie siècle. Le premier, Grégoire VII montre Rome à la catholicité comme le symbole et l’instrument nécessaire de son unité : signum salutare. Toutefois ce n’est qu’au xvie siècle, en face de la réforme menaçante, après Luther et Calvin, que l’esprit du fougueux pontife devient celui même de l’église ; c’est alors seulement qu’elle sent la nécessité de se serrer autour de son chef spirituel et de s’organiser pour la lutte : le concile de Trente s’ouvre et les jésuites naissent. Cependant nos rois, arrivés de leur côté, par des causes analogues, à l’absolutisme, s’effraient pour leur autorité des tendances théocratiques de la société de Jésus et des prétentions du saint-siège au gouvernement des églises particulières. Contre ces prétentions, ils font appel au vieil esprit d’indépendance de l’épiscopat français ; ils émancipent l’église de France, comme ils affranchissaient autrefois les communes, et lui donnent une charte que Bossuet rédige. L’ultramontanisme est abattu par la même main qui signera la révocation de l’édit de Nantes, et les liber-