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absolument ; il aura deux délégués, nommés, bien entendu, par le ministre, et qui siégeront quelquefois, rarement, dans les affaires contentieuses ou disciplinaires intéressant les membres des établissemens privés. Ils ne seront pas membres comme tous les autres, au même titre, ils seront membres adjoints, intermittens. On les convoquera pour la forme, dans certains cas, lorsqu’il s’agira, par exemple, d’interdire un membre de l’enseignement libre. Une fois la sentence rendue, on les priera de sortir. C’est dans cette situation effacée, presque humiliante, c’est à l’état d’infime minorité que les représentans des établissemens privés auront siège et voix dans les conseils académiques. A Paris, par exemple, le conseil académique ne comptera pas moins de 37 membres se décomposant ainsi : le vice-recteur, 8 inspecteurs de l’académie de Paris, 8 inspecteurs d’académie des départemens du ressort, 8 doyens ou directeurs d’écoles supérieures, 2 proviseurs, 3 professeurs de facultés, 3 professeurs de lycée et 4 conseillers généraux ou municipaux. L’état enseignant, l’Université, la pédagogie, seront donc représentés par 33 membres ; la politique par 4 et l’enseignement libre, dans de certaines questions seulement, par 2. En vérité la proportion est dérisoire, et, si nous ne craignions de nous répéter, nous renouvellerions ici les observations que nous avons déjà présentées à propos du conseil supérieur. Nous insisterions sur la gravité d’une telle violation des plus simples règles de la justice et du droit. Mais il nous faut aller vite et glisser légèrement sur tous ces points, car il nous reste encore une longue tâche à parcourir, et le moment est venu d’aborder le second des projets ministériels.


II

Le projet de loi de M. Jules Ferry « relatif à la liberté de l’enseignement supérieur » appelle tout d’abord une observation de forme. Le titre en est radicalement vicieux : ce n’est pas un projet particulier, spécial à l’enseignement supérieur, puisqu’il vise dans une de ses principales dispositions les trois degrés[1] d’enseignement primaire et secondaire aussi bien que supérieur ; c’est encore moins un projet de liberté, puisqu’en fait, il supprime toute liberté. Le seul titre qui lui conviendrait serait le suivant : projet de loi contre la liberté d’enseignement en général, et contre les congrégations religieuses en particulier. Considérez le contenu de l’exposé des motifs et des dix articles du projet : vous ne lui trouverez pas d’autre étiquette, d’autre définition possible. Une courte analyse suffira, pensons-nous, à le démontrer.

Les deux premiers articles ne sont que la reproduction littérale

  1. Degrés et non pas ordres, comme le dit incorrectement l’art. 7.