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Et cependant M. le ministre de l’instruction publique ne s’est pas encore trouvé suffisamment armé. Débarrassé de l’épiscopat, de la magistrature, du conseil d’état, de l’armée, de la marine, entouré de ses pédagogues, soutenu par ses directeurs et ses inspecteurs généraux, il semblait qu’il pût dans cette situation défier toutes les attaques, attendre l’ennemi. M. Jules Ferry a mieux aimé le prévenir et l’écarter. C’est pourquoi la pauvre faculté de théologie ne sera pas représentée dans le conseil. Toutes les autres facultés y posséderont un siège, elle seule en demeure exclue. Le projet ministériel n’en fait pas même mention, il l’a sans doute considérée comme une quantité négligeable. Cette omission n’a pas en soi-même une grande importance, et nous nous gardons bien de l’exagérer. Le représentant de la faculté de théologie n’eût pas fait grande figure à côté des quatre membres de l’enseignement privé nommés par le ministre, perdu, noyé comme eux dans la foule. Peut-être même l’exclusion complète, systématique de tout élément religieux vaut-elle mieux qu’une représentation insuffisante et disproportionnée de cet élément. Néanmoins ce petit fait est bien significatif, et nous devions le mentionner ; nulle part l’intolérance de la pensée ministérielle ne se trahit plus complètement. Mais ce n’était point assez d’exclure la théologie : destitué de tous « les élémens incompétens » qui faisaient autrefois sa force et son prestige, le conseil d’études eût encore formé une aristocratie puissante par les lumières et l’indépendance qu’elles donnent. Pour le démocratiser, on y fera entrer six proviseurs ou professeurs titulaires de l’enseignement secondaire public, élus au scrutin de liste par leurs collègues de tous les lycées et collèges de France, pourvus du titre d’agrégé ou de docteur, et six membres de l’instruction primaire élus également au scrutin de liste par les inspecteurs primaires, directeurs et maîtres adjoints des écoles normales. Nous ne sommes pas, en principe, hostile à toute représentation de nos deux premiers degrés d’enseignement dans le conseil supérieur. À vrai dire, ils étaient déjà très largement représentés par leurs directeurs respectifs et par les inspecteurs généraux, mais ils ne l’étaient pas directement, et nous comprenons qu’on ait voulu leur donner cette satisfaction. Toutefois fallait-il leur attribuer un pareil nombre de sièges : douze sur cinquante ! Six sièges aux professeurs de l’enseignement secondaire, quand les facultés des sciences, des lettres, de droit, de médecine et l’école supérieure de pharmacie n’en auront que cinq ! Six sièges aux membres de l’enseignement primaire (et, qu’on le remarque bien, cette désignation n’exclut nullement les instituteurs) quand le Collège de France n’en possédera qu’un, quand l’Institut lui-même n’a pas trouvé grâce. En vérité M. le ministre de l’instruction publique n’a pas le sentiment des proportions nécessaires ;