Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conviendraient fort difficilement en un tout semblable dessein. J’ay donné charge à mon cousin de Rohan de vous en dire les noms et toutes les particularités que l’on m’a fait savoir. » Dans la correspondance intime de M. de La Force avec sa femme, on trouve la preuve que M. de Rohan avait assez de crédit pour faire payer à M. et à Mme de La Force les arrérages de pensions que le roi leur avait accordées. La Force se plaint dans ses lettres des grandes dépenses que causaient à ses enfans les « galanteries de ballets et combats de barrière. »

Rohan figurait d’ordinaire dans toutes les grandes cérémonies. Au mois de février 1610, Henri IV fit maréchal de France le seigneur de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné. Six pairs de France : MM. de Vendôme, de Guise, de Montbazon, de Rohan, de Sully et M. Le Grand, accompagnèrent le nouveau maréchal, qui parut habillé de noir, avec un simple collier de pierreries au cou et à son chapeau une grande rose de diamans.

La jeune duchesse de Rohan était l’objet des bontés particulières du roi, elle cherchait naturellement à lui plaire, elle lui racontait en confidence les colères et les propos de la reine. « J’ai su tout ceci de ma cousine de Rohan, votre fille, » écrit-il à Sully, en parlant de quelque sortie de la reine. « Je ris et joue avec elle comme avec un enfant ; je ne lui trouve pourtant pas l’esprit d’un enfant, elle me donne quelquefois de très bons avis, et surtout elle est très secrète[1]. »

Soubise avait obtenu aussi une part de cette grande faveur, bien qu’il montrât déjà son humeur difficile. Le 22 février 1607, Soubise se battit en duel avec M. de Boccal, « et fut, le sieur de Soubise, grièvement blessé (par sa faute, ainsi que chacun disait), ayant forcé Boccal au combat, lequel respectant sa maison, qui touche de parenté au roi, ne voulut accepter ledit combat et ne s’y hasarda qu’à l’extrémité[2]. »

Quand le « grand dessein » fut sur le point d’être dévoilé, Henri IV accorda, le 8 mars 1610, à Soubise la permission de lever une compagnie de chevau-légers et lui fit donner 12,000 livres[3]. Le duc de Rohan servait lui-même, en sa qualité de colonel-général des Suisses, dans l’armée du duc de Nevers, où était déjà attendu Henri IV, quand l’attentat de Ravaillac vint couper court aux projets conçus contre les Pays-Bas espagnols.

La mort d’Henri IV fut un grand déchirement dans notre histoire nationale. Les protestans furent consternés ; ils perdaient celui qui

  1. Économies royales. Édit. de Londres, 1745, t. III, p. 70.
  2. Journal de l’Estoile, t. III, p. 414.
  3. Lettre d’Henri IV à Sully. — Lettres missives d’Henri IV, t. VII, p. 856.