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à Livadia, auprès de l’empereur Alexandre, à qui il doit bien sa première visite. Il va vraiment recevoir la couronne des mains de celui qui l’a conquise, et avant que le nouveau prince ait paru en Bulgarie, on en est déjà à faire des plans pour lui préparer un palais, à lui organiser des gardes du corps, à discuter sur le cérémonial de l’investiture qu’il devra aller recevoir à Constantinople. Dans la Romélie orientale, destinée à rester plus directement sous l’autorité du sultan, le danger des collisions intérieures semble avoir singulièrement diminué, et avec le concours de la commission internationale on pourra peut-être arriver à une organisation suffisante. La question des frontières grecques, d’un autre côté, est décidément remise à l’arbitrage de l’Europe, qui se charge de la trancher, soit par des négociations directes, soit par les ambassadeurs à Constantinople, de sorte que sur les points les plus difficiles ou les plus aigus on semble toucher à une solution.

L’autre jour, dans un banquet de l’association conservatrice de Middlesex, puis à la chambre des lords, le chef du foreign-office, le marquis de Salisbury, s’est plu à retracer cette situation sous des couleurs parfaitement satisfaisantes. Les choses, il est vrai, n’ont marché ni aussi vite ni aussi aisément que le prédisait lord Beaconsfield il y a six mois, et même aujourd’hui cette exécution du traité de Berlin dont on peut se contenter laisse plus d’une question incertaine en Asie comme en Europe. Il y a eu en vérité, chemin faisant, plus d’une déception, et ce serait une singulière illusion de prendre trop au mot lord Salisbury dans ses déclarations sur la bonne santé de l’empire ottoman ; mais enfin l’essentiel est fait : on est sorti pour le moment des passes les plus dangereuses, et l’Angleterre peut assurément se rendre le témoignage flatteur d’avoir contribué sérieusement au résultat. Le ministère anglais, pour ce qui le regarde personnellement, a bien quelque raison de se sentir soulagé et de vouloir communiquer son optimisme. Il y a eu un moment, et ce moment n’est pas encore bien éloigné, où il s’est trouvé entraîné dans toute sorte de complications et de conflits sur plusieurs points du globe. Il avait assumé une responsabilité des plus sérieuses dans les affaires d’Orient. Au même instant il allait faire dans l’Afghanistan, sur la frontière de l’empire indien, une expédition difficile, et lorsqu’il s’y attendait le moins, à une autre extrémité, sur la côte africaine du Cap, il avait à soutenir avec une peuplade barbare, avec les Zoulous, une guerre qui commençait par des désastres pénibles pour l’orgueil britannique. L’opinion anglaise n’a pas laissé un moment de s’émouvoir de tant d’affaires engagées à la fois par l’audacieuse imagination de lord Beaconsfield. L’opposition retrouvait des armes contre le ministère. Aujourd’hui tout change d’aspect. La question orientale est entrée dans une phase où elle cesse d’être inquiétante, et par une coïncidence heureuse la guerre de l’Afghanistan se termine en même temps par une