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que d’en raconter les plus célèbres manifestations. Mais nulle part elle n’est plus visible que dans la célèbre discussion de la loi de 1850. Émanée de l’initiative de M. de Falloux, amendée par une commission dans laquelle siégeaient, étroitement unis, M. Thiers et M. de Montalembert, cette loi, si violemment attaquée aujourd’hui, fut avant tout une loi de transaction. Le projet de M. Jules Simon avait déjà ce caractère; dans le projet de M. de Falloux, il est encore plus accusé. L’idée d’appeler les représentans de tous les grands intérêts sociaux à participer au gouvernement de l’instruction publique afin de la diriger dans un sens conservateur, cette noble et généreuse idée se dégage des obscurités d’une première ébauche; elle prend corps et vie. M. Jules Simon s’était contenté de partager son conseil supérieur en trois sections, et c’était seulement dans l’une de ces sections, celle de l’enseignement privé, qu’il introduisait un certain nombre de membres de la magistrature et du clergé. La loi de 1850 composa le conseil supérieur de membres étrangers en majorité au corps enseignant. Par là se marquait déjà bien nettement l’intention du législateur de substituer à la doctrine étroite et dangereuse de l’état enseignant la maxime bien autrement large de la représentation libre et fidèle de tous les élémens de la société également intéressés dans la préparation des générations à venir. Le reste du projet n’est que le développement parfois excessif de cette maxime[1]. Dès l’instant que l’état consentait à partager avec la société la direction de l’instruction publique, il lui fallait, par une suite nécessaire, abandonner son vieux système de garanties et de prohibitions. Vingt et un ans d’âge et le brevet de capacité pour les instituteurs, vingt-cinq ans et le grade de bachelier pour les maîtres de l’enseignement secondaire, voilà toutes les conditions qu’il exigera désormais. Il se réserve seulement de surveiller les écoles libres, comme dans le projet de M. Jules Simon, au point de vue de la morale et de la constitutionnalité de l’enseignement; l’inspection ne portera plus désormais sur d’autres objets.

Restait la fameuse question des petits séminaires et des congrégations. Sur ce point, le législateur de 1850 n’eut pas grand effort à faire : la constitution avait parlé, le droit était clair, certain ; plus d’immunités particulières, plus de régime spécial, mais en même temps plus d’exception de personnes; la liberté pour tous, aux mêmes conditions, la loi égale. « La république ne connaît les corporations ni pour les protéger ni pour les gêner. » Donc les membres des congrégations religieuses en général et les jésuites en particulier pourront enseigner. La loi du 15 mars 1850 ne contient

  1. Nous aurons occasion de revenir sur cette idée.