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elle n’eut pas de peine à en trouver d’autres. Un des membres les plus distingués du parti constitutionnel sous la restauration nous a laissé sur ce point un précieux témoignage. M. le comte Beugnot a pu, sans être démenti, faire en 1836 à la tribune de la chambre des députés cet aveu bien digne d’être médité : « Vous vous rappelez, messieurs, la croisade que nous fîmes contre les jésuites. Je ne sais si mes souvenirs me trompent, mais il me semble qu’en 1828 nous poursuivions tout autre chose que les jésuites. Je rappellerai aux personnes qui étaient alors dans l’opposition que, si les jésuites nous avaient manqué, nous aurions trouvé autre chose pour justifier et affirmer notre opposition, parce qu’elle était en effet légitime et nationale. » Que de rapprochemens piquans on pourrait faire ici! Que de retours en arrière et de réflexions sur le rôle des oppositions! On trouva donc « autre chose; » il est vrai que Charles X y mit du sien. Seulement au lieu de se faire au cri de : A bas les Jésuites, 1830 se fit au cri de : Vive la charte; ce fut toute la différence.

Une révolution qui était le triomphe des idées libérales devait nécessairement donner beaucoup de force au principe de la liberté d’enseignement. La nouvelle charte inscrivit au nombre des objets que le législateur aurait à régler « l’instruction publique et la liberté d’enseignement. » Cependant trois années s’écoulèrent avant que cette prescription constitutionnelle reçût un commencement d’exécution. C’est M. Guizot qui le premier, en 1833, eut l’honneur d’inaugurer dans le sens fixé par la charte la réforme de notre législation scolaire. La loi qu’il présenta aux chambres à cette époque et qu’elles votèrent à une grande majorité supprimait le régime de l’autorisation préalable et le remplaçait par le système, aujourd’hui général, de la déclaration d’ouverture. Toutefois elle maintenait l’obligation du certificat de bonnes vie et mœurs et du brevet de capacité, pour l’instituteur libre aussi bien que pour les instituteurs publics. C’était un premier pas fait dans la voie de la liberté; mais c’était de beaucoup le plus facile. En réformant le régime des écoles primaires, M. Guizot était allé, sans doute, au plus pressé. Là, en effet, nul système antérieur, nulle organisation d’ensemble n’existait, tout était à faire ou du moins à constituer. Le gouvernement de juillet avait pour ainsi dire carte blanche. Mais cette tâche, si importante qu’elle fût, n’était rien en comparaison de celle qui l’attendait le jour où, pour se conformer aux promesses de la charte, il toucherait à l’organisation de 1808. De ce côté, le terrain était en quelque sorte hérissé d’obstacles; on n’y pouvait avancer qu’avec une extrême précaution. D’abord la charte laissait planer une certaine obscurité sur la question même de la liberté d’enseignement. Comment devait-on entendre l’article 69 ? Fallait-il