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L’ÎLE DE CYPRE.

certains des monumens de la statuaire. MM. Stark, Doell, Sydney Colvin, Newton, tous ceux qui ont étudié les figures découvertes par MM. Lang et de Cesnola, sont unanimes à signaler, dans plusieurs d’entre elles, l’imitation de la sculpture égyptienne. Les analogies sont parfois frappantes ; par la manière dont elles sont posées et drapées, telles statues de Golgos ou d’Idalie, taillées dans la pierre de l’île, font songer aux ouvrages des artistes de Thèbes et surtout de Saïs. L’attitude est la même : le personnage est debout, au repos ; les deux bras pendent le long du corps ou bien l’un d’eux est replié sur la poitrine ; les jambes sont à peine séparées. Le modelé est large et sommaire ; les étoffes et le nu sont traités à grands plans. Ce qui d’ailleurs est plus significatif encore, ce sont ces détails de coiffure ou de costume dont la ressemblance, dont l’identité ne peut s’expliquer que par une simple rencontre. Telle figure est coiffée du klaft ; telle autre porte sur la tête ce que les égyptologues appellent le pchent, c’est-à-dire la double couronne royale, la couronne de la Haute et celle de la Basse-Égypte, qui forment par leur réunion une sorte de tiare. Certaines figures ont les bras ornés d’armilles, la poitrine couverte d’une riche collerette de broderie ou d’orfèvrerie toute égyptienne de style. Autour des reins est attaché cette espèce de pagne échancré par devant que l’on nomme la chenti ; la ceinture qui le fixe aux hanches maintient aussi une large bande ou, si l’on aime mieux, un étroit tablier qui, dans la plupart de ces figures, est décoré de deux uræus ou serpens dont la tête dressée supporte le disque solaire. C’est l’insigne bien connu de la royauté égyptienne ; tout cet arrangement du pagne, de la ceinture et de la bande richement ornée qui la complète semble copié des statues royales que l’on rencontre à chaque pas sur les bords du Nil ; tout au plus trouve-t-on, dans quelques-unes de ces statues cypriotes, quelques motifs d’ornementation qui n’ont pas été rencontrés jusqu’ici en Égypte, comme la tête de Méduse.

Le caractère assyrien de certaines figures n’est pas moins frappant. Ce ne sont pas seulement les archéologues qui en témoignent ; cette ressemblance a été saisie, nous raconte M. de Cesnola, même par l’œil inexpérimenté des paysans cypriotes. En l’absence du consul, ses ouvriers venaient de trouver la tête colossale, haute de près d’un mètre, dont la découverte inaugura les grandes fouilles d’Athiénau. L’admirable conservation de ce morceau et ses proportions colossales attirèrent aussitôt sur les lieux tous les habitans du village. Jamais on n’avait rien vu de pareil ; on se persuada que le sol d’où était sortie une pareille merveille devait contenir bien d’autres trésors. Chaque paysan prit donc une pioche ou une bêche, et une centaine d’hommes se mirent à creuser des trous et à ouvrir