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larges portes, de dimensions inégales, s’ouvraient l’une dans le mur septentrional, l’autre dans l’oriental. Il n’a point été trouvé à l’entour de traces du péribole. Un cône de pierre grise que M. Ceccaldi vit renversé et brisé au milieu de l’enceinte semble indiquer que le temple était consacré à une déesse représentée ici par le même symbole que la déesse adorée à Paphos.

Si le simulacre divin, haut de près d’un mètre, s’élevait au centre de cette grande salle, il ne l’habitait pas seul. Elle était remplie de piédestaux dont chacun portait jadis sa statue. La plupart étaient appuyés aux murailles ; on en compta jusqu’à soixante-douze contre la paroi orientale. D’autres, plus grands, dont chacun avait reçu deux statues adossées, divisaient cette salle en cinq travées parallèles, dans le sens de sa longueur. Le pavage était fait de dalles en calcaire de Cypre ; les statues furent retrouvées couchées sur ces dalles, sous une épaisse couche de décombres.

M. Ceccaldi a étudié soit sur le terrain même, soit, un peu plus tard, au consulat américain, ce qui était encore apparent de la construction antique, et tous les débris retirés des fouilles. Voici quelle restitution idéale du temple de Golgos il trace d’après l’ensemble de ces données : « Le temple était construit en briques séchées au soleil ou mattons, formant quatre murs, dont la base était assise sur les pierres à rebords du soubassement. Ces murs étaient revêtus d’un crépi blanc ou de couleur, imperméable à la pluie… Des piliers soutenaient à l’intérieur un toit qui était à double pente très peu sensible, vu la largeur de l’édifice ; il formait ainsi terrasse, comme les toits cypriotes actuels. Ce toit se composait de pièces de bois très rapprochées ; par-dessus étaient étendus des nattes et des roseaux recouverts d’une épaisse couche de terre battue, qui résistait à l’humidité non moins bien qu’aux ardeurs du soleil. L’extérieur du temple de Golgos devait donc être fort modeste. Dans l’intérieur, qui ne recevait de jour que par les larges baies des portes, une foule immobile et silencieuse de personnages de pierre, aux traits et aux vêtemens rehaussés de peintures, entouraient, en perpétuels adorateurs, le cône mystique. Des lampes de pierre en forme d’édicule éclairaient dans les recoins les ex-voto grimaçans pendus aux murs et les tableaux curieux dont ceux-ci étaient garnis. Des bas-reliefs bizarres ornaient le pourtour de l’édifice, où la lumière oblique se reflétait sur les dalles blanches et polies[1]

Sans satisfaire toutes nos curiosités, Paphos et Golgos nous apprennent donc dans une certaine mesure ce que l’architecture religieuse fut à Cypre jusqu’aux derniers jours de l’antiquité, quelles formes elle préféra, de quel esprit et de quelles traditions elle

  1. Revue archéologique, t. XXII, p. 370.