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vous soyez victorieux ou vaincus, notre drapeau (le drapeau rouge) n’en restera pas moins le glorieux étendard de l’avenir; nous ou nos fils recueillerons ce sang, et cette terre ensanglantée, nous la jetterons au ciel avec cette exclamation : « Notre jour viendra! » — La voix alors isolée de Bebel, les phrases prétentieuses de quelques Florentins répondirent seules à cette invitation à la république universelle que le comité central et la commune avaient lancée du haut du perron de l’Hôtel de Ville. C’était peu de chose, et le délégué aux relations extérieures n’eut point d’ambassadeurs extraordinaires à envoyer vers les peuples alliés. La commune devait rester un fait particulier, une sorte d’accès d’envie furieuse que toutes les nations contemplaient avec horreur et que la France supporta avec désespoir.

Si la commune qui, dès l’heure de sa naissance, s’était résolument mise au ban de la civilisation par l’assassinat du général Lecomte et de Clément Thomas, n’eut aucune action diplomatique à entamer, il se trouva des gens de volonté irréprochable que leur ardent désir de la paix poussa vers une négociation dont le résultat était bien incertain. Quelques hommes de bien, d’opinions profondément libérales., désolés de voir l’état convulsif dans lequel Paris se débattait, affligés de cette guerre qui ressemblait à une lutte de gladiateurs, offerte par des vaincus à l’Allemagne victorieuse, blâmant les exigences des deux adversaires, voulurent apaiser les esprits, prêcher la conciliation, obtenir de part et d’autre quelques concessions et fermer cette plaie vive par où le sang de la France menaçait de s’écouler. Mus par une pensée généreuse dont il convient de leur garder une sincère reconnaissance, ils voulurent servir d’intermédiaires entre Paris et Versailles, entre l’Hôtel de Ville et l’assemblée nationale. De chaque côté ils se brisèrent contre d’invincibles résistances. La commune ne voulait déposer les armes qu’après avoir obtenu tout ce qu’elle réclamait; M. Thiers, président de la république, chef du pouvoir exécutif, parlant au nom de la représentation légale du pays, ne voulait rien accorder avant que l’insurrection ne se fût soumise et n’eût ouvert les portes de Paris. On eut beau invoquer la raison, le patriotisme, le sentiment, tout fut inutile, et le duel impie continua. Plusieurs interventions spontanées se produisirent, qui toutes demeurèrent stériles ; la plus importante fut celle que l’on nomma alors la manifestation des francs-maçons ; elle se fit en grand apparat et avec une pompe un peu théâtrale; elle étonna les Parisiens, et elle fut, je crois, la seule dont la commune accepta franchement le concours. À ce titre, elle ne doit pas échapper à notre récit, et nous en parlerons bientôt.


MAXIME DU CAMP.