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Arthur Arnould fait preuve d’un esprit peu politique, mais animé d’intentions excellentes. L’ordre du jour pur et simple, proposé par Vallès, est adopté par vingt-quatre voix contre dix-sept. Immédiatement Raoul Rigault donne sa démission de délégué à la sûreté générale. Il est imité par Théophile Ferré. Deux jours après, Raoul Rigault était nommé procureur général de la commune ; s’il n’était plus le gardien des prisons, il en devenait le pourvoyeur, et c’est là une fonction qu’il sut accomplir en conscience.

On avait eu beau substituer les-délégués aux commissions, la commission supérieure à la commission exécutive, remplacer Bergeret emprisonné par Cluseret qu’on allait emprisonner, les choses n’en allaient pas mieux. La commune craquait de toutes parts; le vaisseau symbolique qui porte Paris ressemblait au radeau de la Méduse. Les administrations municipales ou ministérielles étaient tombées plus qu’en décomposition; les opérations militaires, malgré les dépêches menteuses qui en rendaient compte, n’étaient qu’une suite non interrompue de défaites. La ville devenait déserte ; seules, les prisons étaient pleines. Ce n’est plus une révolution, c’est un chaos. Un homme de génie ne s’y pourrait reconnaître et, selon le mot de Vermorel, il n’y a que des imbéciles, des fripons et des traîtres. Les yeux les moins clairvoyans sont frappés de ce désarroi, et le comité central de la fédération de la garde nationale, qui n’a cessé de fonctionner malgré son apparente abdication, qui, bien souvent, a neutralisé l’action de la commune, qui, lui aussi et de son autorité privée, surveille les délégués, se glisse partout, écoute aux portes et rêve de rentrer en maître dans l’Hôtel de Ville, le comité central s’émeut. La dernière fois qu’il a parlé au public c’est le 6 avril, et ce qu’il lui a dit ne doit pas être oublié : « Le comité central a la confiance que l’héroïque population parisienne va s’immortaliser et régénérer le monde ! » L’héroïque population parisienne ne se battait pas mal, buvait outre mesure, s’immortalisait fort peu, et ne régénérait rien du tout. Le comité central s’en apercevait; avec un peu de jugement, il aurait pu le prévoir. Loin de croire comme Delescluze que l’élément militaire paralysait l’élément civil, il estime le contraire, car il représentait la garde nationale fédérée, c’est-à-dire l’armée de la révolution, armée formidable, admirablement, outillée, que des circonstances exceptionnelles avaient formée, qu’on ne retrouverait peut-être jamais en telle force, et qui cependant fondait avec une rapidité extraordinaire. Vers le 25 avril, au moment où la commune est sur le point de se disloquer encore pour essayer de se concréter bientôt dans un comité de salut public, le comité central intervient. C’est à ce moment qu’il faut, je crois, placer cette pièce non datée