Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne se présentent pas. » On vote, vingt-six voix contre treize acceptèrent les résultats de ce suffrage trop restreint[1].

On se gourma dans les journaux. La minorité se défendit et protesta. Rogeard, qui était un des rédacteurs du Vengeur, attaqua vivement Courbet; celui-ci répondit par une lettre qu’on n’inséra pas et que voici : « Mon cher Rogeard, je vous ai répondu, vous n’avez pas inséré ma lettre contradictoirement aux vôtres, je n’ai pas le brouillon de ce que je vous ai écrit, veuillez me la renvoyer. Dans la situation actuelle, j’aurais été nommé avec trois voix que j’aurais accepté cette situation, parce qu’elle est dangereuse. Je l’aurais acceptée, si on m’avait autorisé à me nommer moi-même. Voyez combien nous différens. Je vous ai porté dans le sixième, croyant que vous étiez révolutionnaire, et j’ai fait faire les affiches et les bultins à mes frais, confiant dans cette idée. Je suis dans le droit et la révolution seulement, ce qui exclut la légalité qui ne peut exister pour le moment. Je ne vous en dis pas davantage. Je déplore votre idée d’autant plus que vous savez que l’élection ne pouvait se faire autrement, par la raison que les défections abondent, et que les départs de Paris justifient la situation. J’attends toujours de vous que vous reveniez sur votre décision. Renvoyez-moi ma lettre, je la ferai imprimer dans un autre journal que le Vengeur. Salut et fraternité : G. Courbet. — P. S. La fédération des artistes nouvellement nommée présente plusieurs résultats semblables. » — Interrogé le 14 août 1871 par le président du 3e conseil de guerre, Gustave Courbet répondit : « J’ai été forcé d’entrer le 16 avril à la commune pour tâcher d’arrêter les mesures de violence; c’était le seul moyen. » Cela ne ressemble guère à ce qu’il écrit à Rogeard: « J’aurais accepté, si on m’avait autorisé à me nommer moi-même.»

Aussitôt que la commune fut complétée par les moyens dont le lecteur a pu apprécier la rectitude, elle crut devoir parler, non pas aux habitans de Paris, mais au peuple français tout entier, et elle fit placarder un manifeste collectif qui est fort important, car il constitue en somme le seul document par lequel elle ait essayé d’expliquer sa raison d’être, sa mission et son but. À ce titre, il mérite qu’on s’y arrête. Comme toujours, c’est du pathos, ce sont des promesses menteuses, ce sont des impostures ; mais il s’en dégage du moins quelques aveux bons à retenir. Cela débute naturellement par des injures et des calomnies : « Il faut que la responsabilité des deuils, des souffrances et des malheurs dont nous sommes les victimes retombe sur ceux qui, après avoir trahi la France, et livré Paris à l’étranger, poursuivent avec une aveugle

  1. Les treize membres de la commune qui votèrent contre la validation de ces élections tronquées furent : Arthur Arnould, Avrial, Beslay, Clémence, V. Clément, Geresme, Langevin, Lefrançais, Miot. Rastoul, Vallès. Verdure, Vermorel.