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les feuilles démocratiques qui défendent la république et propagent les institutions sociales de l’avenir. Cette mesure a pour but d’annihiler les influences malsaines des écrivains et des livres réunis dans les bibliothèques officielles et destinés à dégrader les âmes et à refouler toutes les aspirations démocratiques. » C’est ainsi que l’on parlait alors, et c’est ainsi que l’on parlera toutes les fois que les ignorans auront la parole.

La commune n’était pas au complet : par suite de refus, de décès ou de démissions, elle devait pourvoir à trente et une vacances. Les élections furent fixées au 16 avril, et de nouveaux inconnus vinrent s’asseoir auprès des anciens inconnus. Quelques entêtés du XIXe arrondissement, c’est-à-dire de Belleville, donnèrent encore 6,076 voix à Menotti Garibaldi, qui, plus que jamais, continua à faire la sourde oreille. Jamais élections ne furent plus étranges, plus illégales. Onze arrondissemens sont convoqués dans lesquels 258,852 électeurs sont inscrits, mais on ne trouve que 53,679 votans; trois arrondissemens : le IIIe (Temple), le VIIIe (Elysée), le XIIIe (Gobelins) se refusent à aller au scrutin et ne nomment personne. Deux des élus, Rogeard et Briosne, refusent d’accepter leur mandat, ils estiment que leur élection est entachée d’illégalité; Cluseret est nommé deux fois. Sur trente et un membres à élire, la population n’en désigne que vingt et un; le refus de Menotti Garibaldi, de Rogeard, de Briosne, l’option de Cluseret, réduisent ce nombre à dix-sept sur lesquels sept n’ont même pas obtenu le huitième des voix exigibles. La commune passe outre, elle valide quand même; elle tient compte, dit-elle hypocritement dans son rapport, « des électeurs qui se sont soustraits par la fuite à leurs devoirs de soldats et de citoyens, » elle repousse toute observation et n’écoute même pas l’honnête Arthur Arnould qui lui crie : « Valider ces élections, c’est le plus grand croc-en-jambe que jamais gouvernement ait donné au suffrage universel. Vous tombez dans le ridicule et dans l’odieux. » La majorité communarde se souciait bien de légalité, et c’était perdre son temps que de lui en parler; Paschal Grousset, Varlin, Billioray, Urbain, combattent l’opinion d’Arthur Arnould. « En supposant, dit Billioray, que tout un arrondissement s’abstienne, et qu’il n’y ait que cinq votans, ces votans sont les seuls partisans de la commune; » Urbain va plus loin encore, il dit : « Le citoyen Arnould craint que nous ne tombions dans le ridicule et l’odieux, or je dis que ce sont ceux qui n’ont point voté qui sont tombés dans l’odieux et le ridicule. Ceux qui n’ont point voulu défendre leur liberté par le vote ne sont à mes yeux ni Français, ni Allemands, ni Chinois. » Ranvier s’écrie : « Nous ne connaissons pas de loi électorale; » Régère ajoute : « Tant pis pour ceux qui