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physique géographique que l’on a beaucoup discuté depuis un quart de siècle. Des vallées se dessinent à la surface du sol; mais le fond en est sec ; il y a des lits de rivières, mais l’eau n’y apparaît que pendant un temps très court, à la suite des grands orages ; le reste de l’année, ils n’offrent à l’œil avide de fraîcheur que des bancs de sable ou de gravier. Cependant l’eau n’est pas loin. Que l’on creuse de quelques mètres, on retrouve une nappe souterraine, sous une épaisse couche de détritus qui s’oppose à l’évaporation. Un barrage étanche dont les fondations descendraient jusqu’au roc la ferait remonter au jour. C’est ainsi qu’aux abords de Laghouat, l’Oued-Mézy, dont le lit d’amont est à sec, redevient un ruisseau qui vivifie cette oasis. Si cette nappe souterraine existe, comme on est induit à le croire, dans le sous-sol de chaque vallée saharienne, il n’est pas impossible de la capter dans des réservoirs d’où l’eau, refoulée par des pompes à vapeur, circulera dans des tuyaux tout au long de la voie.

Quant à la disposition topographique du sol, il est clair qu’en nul autre pays on ne la trouverait plus favorable. En place des alpes aux flancs escarpés, aux ravins étroits et sinueux, que franchit le chemin de fer du Pacifique, on n’aperçoit ici que des lignes de faîte surbaissées, des plateaux sans déclivité sensible, des vallées à large ouverture. Point de tunnels, point de viaducs, à peine quelques ouvrages d’art de médiocre ouverture à la rencontre des torrens où l’eau coule quelques jours chaque année. C’est peut-être trop que d’affirmer qu’il n’y aura pas de tunnels, car la traversée des dunes de sable ne se pourra faire sans que les rails soient abrités contre les ensablemens. Ces dunes, plus ou moins mouvantes, sont une disposition caractéristique du Sahara. Elles s’allongent presque en ligne droite, toujours parallèles ou à peu près au massif atlantique, comme des rides à la surface des plateaux. Quoiqu’on n’ait pas su discerner encore la cause qui en a déterminé la formation, le plus probable est qu’elles sont dues à l’action du vent sur les détritus sablonneux de la surface. Quelle qu’en soit la cause première, il n’est pas contestable qu’une tranchée ouverte au travers se comblerait dans un temps plus ou moins long. La voie ferrée devra donc y être recouverte d’une voûte, de même que dans les Montagnes Rocheuses, et, sans aller si loin, dans les montagnes du Cantal il a fallu la protéger en certains endroits par des abris en charpente ou en maçonnerie contre l’invasion des neiges.

Ayant écarté les objections tirées du sol, du climat et des eaux, voyons quel peut être à grands traits le tracé du chemin de fer dont il est question. Il s’agit de relier le Niger au littoral de la Méditerranée. Tombouctou est au sommet de la courbe que ce grand fleuve décrit vers le nord; c’est donc Tombouctou qui sera la station terminale.