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capital. « Le mode de conversion, ajoutait-il, qui a lieu avec augmentation de capital a toujours été écarté, aussi bien en France que chez les autres peuples, car il n’est bon qu’à faire des réductions, qu’on peut appeler prématurées avant l’époque où l’abaissement du taux de l’argent permet d’accomplir plus naturellement la réduction d’intérêt de la dette nationale. »

Ces citations montrent l’objection dans toute sa force. On ne veut pas augmenter le capital de la dette pour ne point sacrifier l’avenir au présent, et, parce qu’on pourrait être entraîné, selon M. Bineau, par l’appât de la prime de remboursement qu’on offre, à aller au delà de la réduction d’intérêt qui est légitime, et en harmonie avec les conditions actuelles du marché. Cette objection a été reproduite encore dans un excellent livre qui vient d’être publié sur la matière par M. Labeyrie, trésorier général, et auquel nous empruntons beaucoup de renseignemens. Eh bien, nous devons le dire, elle ne nous émeut pas beaucoup, et nous croyons qu’elle part d’un point de vue tout à fait faux. On pouvait la faire sous la restauration, à l’époque du baron Louis et du comte Roy, lorsque l’argent conservait toujours à peu près la même valeur, et qu’il y avait une certaine immobilité dans les prix. Déjà en 1852, lorsque parlait M. Bineau, la situation avait un peu changé; mais aujourd’hui, après la révolution qui s’est opérée depuis vingt-cinq à trente ans dans le prix des choses, révolution qui est due à des causes diverses, parmi lesquelles figure la dépréciation des métaux précieux, venir dire que, si on rembourse, après un temps plus ou moins long, un capital égal ou à peu près à celui qu’on a reçu, on est dans des conditions de parfaite équité et qu’on fait ce qu’on doit, cela est parfaitement contestable. Tout le monde sait que pour les choses principales de la vie, pour les denrées alimentaires, par exemple, et pour les loyers, il y a eu un renchérissement d’au moins 30 à 40 pour 100; par conséquent, si vous me remboursez la même somme que je vous ai prêtée il y a trente ans, vous ne me mettez pas dans la situation où j’étais alors, vous ne me rendez même pas ce que vous avez reçu en réalité. Avec les 100 francs que je vous ai prêtés, vous avez pu vous procurer beaucoup de choses dont je n’aurai pas l’équivalent aujourd’hui avec le remboursement que vous m’offrez. Devez-vous bénéficier à mon détriment? C’est en pareil cas qu’on pourrait dire comme M. Gambetta : « Il faut respecter les intérêts de ceux qui sont venus vous apporter avec confiance leur épargne dans les momens difficiles. » Qu’un particulier rembourse exactement la somme qu’il a reçue numériquement, quel que soit le délai après lequel le remboursement a lieu, c’est son droit, et il n’a pas à songer à l’intérêt de son débiteur si celui-ci