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endurcis par les jeux du gymnase à la douleur physique ? Fort heureusement pour les Athéniens, Théramène ne s’est pas obstiné à poursuivre les troupes de Pharnabaze ; il les laisse tranquillement opérer leur retraite et se retourne contre les soldats du Péloponèse. C’en est trop, les Péloponésiens eux-mêmes commencent à lâcher pied ; Mindaros, presque seul, fait tête à l’orage. Percé de coups, il tombe enfin, la face tournée vers cette flotte qu’il a cru sauver et que sa mort va laisser sans défense. Soixante vaisseaux se trouvent à la merci des encadres athéniennes. Les Syracusains mettent, de leurs propres mains, le feu à ceux qu’ils montaient ; Alcibiade fait jeter les grappins sur les autres et les entraîne triomphant jusqu’à Proconèse.


V.

Les Péloponésiens demeuraient abattus sous ce grand revers ; c’est Pharnabaze, c’est un Perse qui vient relever leur courage. « D’où vient cette consternation, dit le fier satrape à ses alliés ? Faut-il désespérer pour quelques planches perdues ? Des planches ! il n’en manque pas dans les états du roi ! » Pharnabaze a déjà donné ses ordres, expédié vers le golfe d’Adramyti ses émissaires ; le bruit de la cognée retentit bientôt sur les pentes de l’Ida ; une nouvelle flotte, avant que l’été s’achève, descendra, soyez-en certains, des chantiers d’Antandros. Est-ce assez pour réparer le dommage essuyé, pour effacer la trace de trois combats perdus : Cynosséma, Abydos et Cyzique ? Suffit-il même de délivrer à chacun de ces soldats meurtris, de ces soldats délabrés par la défaite un habillement complet, de leur distribuer d’avance deux mois de solde ? Tout cela suffirait peut-être si un grave événement ne venait porter la perturbation au sein de l’escadre de Syracuse. Les Carthaginois ont envahi 3a Sicile. Cette malheureuse île a eu, de tout temps, à redouter les incursions des Sarrasins. Sélinonte et Himère sont tombées au pouvoir d’Annibal, non du grand Annibal qui fut le fils d’Amilcar, mais d’un autre Annibal, qui n’est que le fils de Ciscon. Préoccupée de sa propre sûreté, Syracuse ne va-t-elle pas rappeler ses matelots ? Pour le moment, Syracuse se borne à leur assigner de nouveaux chefs. Toute émotion populaire est sujette à troubler la balance des partis et à réagir sur le commandement des armées. Les stratèges syracusains avaient vaillamment fait leur devoir ; l’annonce de leur rappel révolte à juste titre les troupes. L’opinion des rameurs importe peu ; celle des triérarques, des épibates, des pilotes a le droit de compter davantage, et ce sont précisément les triérarques, les épibates, les pilotes