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car un des généraux, Strombichidès, venait d’être détaché dans l’Hellespont avec vingt-quatre trières montées en partie par des hoplites. Le Spartiate Dercylidas, à la tête d’une armée de terre peu nombreuse, s’était chargé d’accomplir la tâche pour l’achèvement de laquelle Pharnabaze attendait depuis six mois l’arrivée de l’escadre d’Antisthène; il avait insurgé Abydos et Lampsaque. Strombichidès partait avec la mission de ramener sous le joug ces deux villes qui commandaient l’entrée de la Propontide et, par conséquent, celle du Pont-Euxin. Le général athénien réussit sans peine à Lampsaque; Abydos lui ferma ses portes. Il se disposait à en faire le siège quand l’ordre lui parvint de rentrer immédiatement à Samos. Le retour de Strombichidès rétablit l’équilibre des forces et les Athéniens purent aller à leur tour défier les Péloponésiens sur la rade de Milet. Deux flottes considérables, dont l’entretien épuisait les ressources des deux belligérans, se neutralisèrent ainsi sans profit pendant près d’une année.

Mécontens de Tissapherne, qui mettait peu d’exactitude dans ses paiemens, les Lacédémoniens songèrent de nouveau à s’adresser à Pharnabaze. Ils lui expédièrent de Milet quarante vaisseaux dont ils confièrent la conduite à Cléarque, fils de Ramphias. Pour mieux dérober leur marche aux Athéniens, ces vaisseaux voulurent prendre la route du large. La tempête, — tout vent contraire était tenu pour tempête à cette époque, — les dispersa. Dix vaisseaux commandés par Hélixos de Mégare réussirent seuls à gagner l’Hellespont; les autres avec Cléarque se crurent trop heureux de pouvoir revenir à Milet, après avoir relâché à Délos. Les vaisseaux d’Hélixos, trouvant l’Hellespont libre, entrèrent dans la Propontide et allèrent insurger Byzance. C’était le moment où l’on s’occupait de politique à Samos; la surveillance de l’Hellespont devait naturellement en souffrir. Il est vrai qu’on n’était guère plus discipliné à Milet. Les matelots de Syracuse et de Thurium avaient apporté dans la flotte à laquelle ils étaient associés les allures qui préparaient si bien, par le désordre, la Sicile à l’avènement de la tyrannie. Ces turbulens alliés, moins patiens que les Corinthiens et les Spartiates, prétendaient ne souffrir aucun retardement dans le paiement de leur solde. Astyochos n’était pas habitué à subir de pareilles exigences; les doléances séditieuses apportées devant lui n’obtinrent de sa part qu’une réponse hautaine. Un des triérarques, Doriée, — c’était un Rhodien, — voulut insister ; Astyochos leva sur le capitaine de Rhodes son bâton. Toute la masse des soldats se sentit atteinte par cette offense. Une clameur effroyable s’élève; si Astyochos n’eût couru embrasser l’autel dressé au milieu du camp, c’en était fait de sa vie. Heureux temps que celui où des soldats rebelles respectaient au moins la majesté des dieux ! Le général ne fut pas même blessé;