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désert. D’après le dire des Arabes, les cinq fameuses familles de chevaux disséminées en Afrique et en Asie, Taneyse, Manekye, Koheyl, Sachlawye et Djulfe, sont les produits des cinq jumens du prophète : Rabda, Noama, Wajza, Sabha et Heyma.

À côté de l’entrée de la maison particulière du kaïd, j’ai aperçu, en passant, une cour dans laquelle des Arabes étaient couchés auprès de leurs ânes et de leurs dromadaires. C’est le lieu hospitalier où l’on reçoit les voyageurs. Tout bordj possède une sorte de caravansérail où se réfugient, pendant le temps nécessaire à leur repos, ceux qui n’ont point d’autre abri ; ils y reçoivent aussi des soins et de la nourriture. Les kaïds ont le droit de prélever pour cet usage tant pour cent sur les impôts qu’ils perçoivent pour le compte du gouvernement.

Dans le jardin du bordj, sous les palmiers au tronc épais, s’étalaient des jasmins d’Espagne tout couverts de leurs blanches étoiles. Une plante grimpante, aux feuilles épaisses et lisses comme celles du gardénia, formait une touffe dont les longues lianes s’appuyaient aux branches qu’elles rencontraient. Les Arabes l’appellent aussi jasmin, mais je n’ai pu juger de sa fleur. C’est une espèce qui ne vient que sous un climat très chaud. Je constate cependant que la température de Biskra est moins excessive que celle de Sidi-Okba. Nous rentrons vers deux heures de l’après-midi à l’hôtel sans trouver le soleil intolérable. Selon l’usage du pays, nous prenions le repos du milieu du jour lorsqu’une musique des plus étranges vint nous en tirer. Des musiciens de race nègre, singulièrement déguisés avec des masques couverts de petites coquilles blanches et des coiffures de plumes d’autruche noires, venaient se faire dessiner par nous. Leurs instrumens de musique étaient de trois sortes : une façon de petit tambour, une guzla ou guitare arabe en coquille de tortue, et des castagnettes en fer d’une forme particulière et fort lourdes. Ils se sont rangés devant la treille d’où nous avons pu faire rapidement leurs portraits. L’ébauche terminée, nous sommes allés rendre une visite qui faisait un contraste complet avec cette scène.

C’est vers l’école des sœurs que nous portons nos pas. Deux sœurs de Saint-Vincent-de-Paul dirigent depuis plusieurs années l’école de Biskra. Elles nous paraissent très satisfaites de leur sort et, avec la douceur qui les caractérise, ne se plaignent de rien, pas même de la chaleur de l’été, que l’on sait être cependant depuis le 15 juin jusqu’au 15 septembre de près de 45 degrés. Leur petite maison est d’une exquise propreté, les volets en sont bien clos, et le calme le plus parfait semble y régner. Elles nous montrent les ouvrages faits par les enfans. Pendant que nous étions chez elles, on leur a apporté, pour qu’elles lui prescrivent une lotion, une petite fille de la famille du kaïd qui avait mal aux yeux. Nous avions fait