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sculpté. Dans une vaste pièce, blanchie à la chaux et soutenue par des piliers, une quarantaine d’Arabes étaient assis sur des tapis, faisant glisser entre leurs doigts les grains de leurs chapelets. Toutes les babouches étaient rangées à l’entrée, et les Arabes, en signe de respect, avaient les pieds nus. Ceci me rappelle qu’un jour nous étions assises, une dame et moi, dans le square de Constantine ; un Arabe du peuple s’était mis sur un banc en face de nous, en ôtant ses babouches ; aussitôt le gardien du square vint lui dire : « Remettez vos souliers, ce n’est pas respectueux de les ôter. » Ainsi tout est affaire d’usage, et ce qui est une marque de respect chez un peuple peut signifier absolument le contraire chez un autre. Le kaïd de Biskra était lui-même parmi les fidèles ; il nous fit avancer vers le milieu de cette vaste pièce, : fraîche et obscure ; faisant tirer un rideau de soie, il nous montra le tombeau de Sidi-Okba, placé dans une sorte de coupole éclairée par le haut. Le jour qui tombait, brillant sur ce catafalque couvert de velours rouge et sur les étendards vert et or placés aux angles, produisait un effet singulièrement décoratif au milieu de la sombre mosquée. Sidi-Okba était un des premiers conquérans musulmans de l’Afrique septentrionale. Il mourut assassiné en 682 à la place où s’élève aujourd’hui son tombeau. De nombreux pèlerins s’y rendent chaque année, apportant leurs modestes offrandes à la zaouia. Il n’en est pas de cette mosquée comme de celle de T’macin, où de toutes les parties de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie de riches Arabes viennent se joindre à la confrérie de Si-Hamet-Tsedjani et y déposent leurs douros.

Pour ne pas troubler les croyans, nous nous retirons bientôt et nous montons, quatre personnes seulement à la fois, l’escalier en spirale du minaret. On le dit peu solide ; des habitans prétendent même l’avoir vu se balancer par les grands vents. Par les quatre ouvertures qui servent aux appels du muezzin, on a une vue du désert très étendue, mais il me semble plus intéressant de regarder à l’intérieur de l’oasis. De cette hauteur, le regard plonge dans toutes les cours et les jardins des habitations ; ce n’est malheureusement pas encore l’heure du mouvement, et j’aperçois seulement quelques femmes isolées, qui passent lentement d’une maison à une autre. Un air pur souffle sur ce point élevé. Nous nous y exposons avec un vif plaisir. Il faut cependant descendre et retrouver de nouveau cette atmosphère quasi torride que nous avions quittée un moment. Nous demandons à aller nous asseoir à l’ombre jusqu’à l’heure du retour. Le cheik nous conduit à quelque distance dans un de ses jardins. Il fait étendre à terre des tapis sur lesquels nous nous asseyons tous. Le jeune nègre habillé de cachemire y dépose des carafes d’une eau qui ne peut être fraîche, mais sur laquelle on se