Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/900

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la poussière fécondante d’un arbre sur l’autre. Aussitôt qu’un bouquet de nouvelles feuilles sort du cœur du palmier, les palmes les plus basses se sèchent et demandent, à être coupées, L’Arabe a soin de ne pas trop raser l’écorce en faisant cette opération afin de laisser sur le tronc des inégalités qui l’aideront plus tard à atteindre le sommet pour cueillir les dattes mûres. Ces détails m’étaient donnés pendant notre promenade. En moins d’un quart d’heure », à l’allure rapide des mêmes chevaux qui nous avaient amenés le matin d’El-Outaya, nous étions aux premières maisons du vieux Biskra ; là, nous avons laissé la voiture ; les rues étaient trop étroites pour lui livrer passage, et nous avons parcouru lentement cette curieuse petite ville arabe, La couleur des murailles était d’un jaune grisâtre uniforme comme la terre que nous foulions aux pieds, mais les énormes palmes qui se penchaient par-dessus étaient si vertes et le ciel sur lequel elles se découpaient était si bleu, qu’il semblait précisément que cette teinte adoucie et harmonieuse fût mise tout exprès afin d’empêcher les tons durs de se heurter. La tour carrée du vieux minaret dépassait les arbres des jardins. À son sommet étaient pratiquées quatre ouvertures cintrées, pour permettre au muezzin d’annoncer la prière aux quatre points de l’horizon. L’eau du ciel est remplacée dans cet heureux pays par des sources intarissables formant de petites rivières qui coulent au travers du village et vont emplir d’étroits canaux, multipliés à l’infini dans les oasis, Sans cette constante humidité, les palmiers, les orangers, les grenadiers ne pourraient vivre. Il est singulier que la végétation particulière au pays le plus sec du monde ait besoin d’être continuellement arrosée. La distribution de l’eau se fait d’une façon régulière dans tous les jardins, par des hommes préposés à cette tâche, qui lèvent chaque digue à une heure fixe.

Le soleil s’était abaissé sur l’horizon pendant notre promenade dans les petites ruelles du vieux Biskra et laissait les ombres s’étendre avec cette transparence que Decamps a si bien su rendre dans ses tableaux d’Orient. L’heure était pleine de charme. Les montagnes se découpaient en fines arêtes, et le soleil à son couchant colorait tout en rose. Après avoir marché.une heure environ, nous sommes remontés, les uns en voiture, les autres à cheval, pour aller visiter à l’est de l’oasis la propriété d’un Français qui vient passer ses hivers dans le climat tiède de Biskra. L’effet d’un jardin planté de la végétation tropicale du pays, et soigné, peigné comme un parterre des Champs-Elysées, entouré de cette grande nature et de ce cadre magnifique, est plus singulier qu’agréable. Notre retour au milieu de la forêt, sous laquelle glissaient les rayons rouges du couchant, dans ces chemins qui tournaient autour des