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des Arabes pauvres. Les maisons en sont bâties avec la terre du pays séchée au soleil ardent de l’été ; mais elles ne sont pas blanchies à la chaux, c’est un luxe que se permettent seulement les gens riches.

Ceux qui croient connaître les palmiers parce qu’ils en ont vu sur les bords français de la Méditerranée seraient bien surpris si on leur disait qu’il y a autant de différence entre les arbres chétifs qu’ils admirent et les dattiers de Biskra qu’entre un mince peuplier et un chêne de cent ans.

Notre voiture roulait sur un sable fin entre deux rangées de palmiers qui formaient une large avenue ; à notre droite, à perte de vue, nous apercevions d’autres palmiers espacés les uns des autres, mais si touffus qu’ils ne laissaient pour ainsi dire pas pénétrer le soleil à leurs pieds ; les uns s’élevaient droits comme une colonne d’un mètre environ de circonférence ; d’autres venaient en une réunion de six ou sept troncs inclinés en forme de gerbe ; d’autres enfin sortaient de terre en un immense bouquet de palmes larges et longues. La verdure s’étalait ainsi en différens étages sans uniformité, mais avec une ampleur et une force de vie qu’on ne rencontre que dans la végétation des pays chauds. Nous ne sentions aucun souffle de vent ; il était près de quatre heures, et l’ardeur du jour avait déjà fait place à une température douce et calme à l’ombre.

Nous longions toujours la grande forêt de cent cinquante mille palmiers qui se prolongeait à notre droite ; à notre gauche nous avions toute l’étendue du désert au delà du village nègre. Les nègres de Biskra vivent en tribu et possèdent un kaïd. Leurs maisons me paraissaient avoir à peu près la forme de grandes huttes coniques, à la façon de celles de certains sauvages. Les murs étaient en terre et le toit était fait de palmes sèches superposées ; c’est le chaume des gourbis du désert. Toutes les parties du palmier sont utilisées dans ces contrées. Le tronc sert de bois de charpente, quoiqu’il soit trop filandreux pour être coupé en planche, mais sans être équarri il peut soutenir les constructions. Les palmes font les couvertures des cabanes et alimentent le feu ; leur fruit est la nourriture générale des habitans et de leurs animaux. Le palmier-dattier vit près de deux cents ans ; à trente ans, il a atteint toute sa vigueur, et il la conserve durant soixante-dix ans, donnant en moyenne de quinze à vingt régimes de dattes par saison pendant cette période. Il est fortement imposé par le gouvernement, qui retire ainsi des oasis des sommes considérables. La culture de cet arbre est bien faite pour plaire au caractère du Saharien. Elle est variée et peu assujettissante. Des hommes adroits, pour hâter la production, transportent