Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup plus rare) injurié la sœur demande sa grâce, qui lui est toujours accordée. Il y a cependant à la maison centrale de Clermont une femme qui, malgré le peu d’intérêt qu’elle mérite d’inspirer, est véritablement dans une situation digne de pitié. Cette femme, détenue il y a une dizaine d’années à la suite de je ne sais quelle condamnation dans la maison centrale de Vannes, a mis volontairement le feu à cette maison, qui a été consumée tout entière. Une détenue a même trouvé la mort dans l’incendie. Condamnée aux travaux forcés à perpétuité, elle fut transférée dans la maison centrale de Rennes. Là elle mit le feu une seconde fois et faillit périr elle-même étouffée dans sa cellule. On a dû chercher un endroit sûr pour la mettre et on a trouvé à Clermont, dans la portion de l’ancien château qui est encore debout, une sorte de cabanon en maçonnerie large de trois mètres, long de quatre ou cinq, où on l’a enfermée. Ce cabanon glacial en hiver, humide en été, ne reçoit la lumière que par une petite fenêtre située au niveau du plancher, et l’obscurité constante ne permet à cette femme, dont la vue est affaiblie, de se livrer à aucun travail. Je l’y ai vue pour la première fois il y a cinq ans lorsqu’elle commençait à subir cette peine cruelle ; je l’y ai retrouvée naguère dans un état d’exaltation qui rend la conversation presque impossible avec elle. Elle sera prochainement transférée dans une prison départementale où l’on a préparé une cellule exprès pour la recevoir ; il est grand temps qu’on trouve moyen de lui assurer des conditions d’existence qui ne mettent pas en péril la sécurité générale, mais qui n’exaspèrent pas le principe de folie contenu en germe dans son cerveau.

Le quartier de la maison le plus intéressant à visiter, et celui par lequel je voudrais finir, est à coup sûr le quartier de préservation et d’amendement. Ces quartiers sont d’institution récente dans nos maisons centrales, et leur nom seul indique que l’administration pénitentiaire renonce à préserver et amender le reste des détenues qui lui sont confiées. Dans ce quartier, nous allons retrouver presque toutes ces jeunes filles de seize à vingt et un ans dont la condition morale a fait l’objet de nos préoccupations. Ce n’est pas que, pour être admise au quartier d’amendement, aucune autre condition soit exigée des détenues que d’être sans antécédens judiciaires. Mais en fait, sur trente-six détenues que comptait à une date récente le quartier d’amendement, il y en avait vingt et une qui étaient âgées de moins de vingt et un ans. Sur ces trente-six détenues, vingt-quatre avaient été condamnées aux travaux forcés, et ce chiffre seul montre, ainsi que je l’ai dit, combien il est téméraire de conclure de la nature de la condamnation à la perversité véritable. Ce quartier donne en effet d’excellens résultats, et il est infiniment rare