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élégance de bien mauvais aloi, et que j’aimerais mieux ne pas voir fabriquer dans cet asile de l’expiation. Le prix de ces travaux est assez rémunérateur. Une bonne ouvrière à la mécanique peut gagner 3 francs par jour ; la valeur de la journée moyenne varie de 1 fr. 50 à 2 fr. Les femmes qui subissent une longue peine peuvent ainsi amasser ce qu’on appelle un pécule de réserve assez considérable. À l’expiration d’une détention qui avait duré trente-six ans, une détenue est sortie naguère avec près de 6,000 francs. Une partie de leur gain est mise cependant à leur disposition immédiate sous le nom de pécule disponible, et avec ce pécule elles achètent à la cantine quelques denrées, fruits, légumes, ragoût, qui leur servent à améliorer leur régime alimentaire. Parmi les denrées vendues à la cantine, il en est une dont quelques femmes font une grande consommation : c’est le savon, que l’entrepreneur n’est pas tenu de leur fournir. Pour celles de ces femmes, et parmi les Parisiennes il y en a un assez grand nombre, qui ont mené une existence un peu raffinée, la privation de ce qui n’est pas le luxe, mais le nécessaire de la propreté, constitue une véritable aggravation de pénalité, et il est triste de penser qu’elles sont obligées de prendre sur leur pauvre pécule pour se procurer ce nécessaire. Ajoutons, puisque nous sommes sur ce chapitre de la propreté, que le régime de la maison de Clermont est sur ce point très défectueux. Les bains complets n’y sont donnés que sur ordonnance du médecin vu l’exiguïté des locaux, et il est grand temps que l’installation des nouvelles salles de bains permette d’y faire passer toutes les femmes au moins une fois par mois.

L’aspect des ateliers est assez uniforme. Il y en a deux cependant qui méritent une visite spéciale. L’un contient ce qu’on pourrait appeler les non-valeurs de la maison, c’est-à-dire les femmes que leurs infirmités physiques, la faiblesse de leur intelligence, leur mauvaise volonté persistante rend incapables d’un travail lucratif. Ce sont toutes des récidivistes usées par le vice, ou exaspérées par la prison. Sur la physionomie de quelques-unes on sent l’orage prêt à éclater ; la moindre parole, même bienveillante, amènerait un débordement d’injures et de violences. Il faut passer sans s’arrêter dans ce triste quartier où l’internement ne constitue que le commencement des rigueurs qu’on peut exercer contre une détenue rebelle. Le même bâtiment contient en effet un certain nombre de cellules où, sur l’ordre du directeur, les détenues peuvent être mises pendant un mois. Pour une plus longue durée de temps il faut l’approbation du préfet, mais il est infiniment rare que cette limite soit dépassée ou même atteinte. Au bout de quelques jours de cellule, une détenue qui a frappé une de ses compagnes ou (infraction