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l’enfant quitte la maison où elle a été élevée. Aucune ne sort sans qu’il ait été pourvu à son placement, à moins qu’elle ne soit réclamée par sa famille, et il est triste d’avoir à dire que ce sont celles-là que les sœurs voient partir avec le plus d’inquiétude. Quant aux jeunes filles qui sont placées en service domestique ou dans des maisons de confiance, une visiteuse attachée à l’œuvre est chargée de demeurer en relations constantes avec elles et de s’enquérir de leur conduite. Au besoin la supérieure intervient elle-même pour adresser à la jeune fille les admonestations nécessaires et pour solliciter en même temps l’indulgence d’une maîtresse ou d’un patron. C’est cette continuité des relations et cette facilité d’assistance qui doivent en matière d’éducation correctionnelle faire donner la préférence aux ordres non cloîtrés. Mais cette surveillance, ce patronage incessant ne suffit pas, et pour resserrer encore les liens qui unissent les jeunes libérées aux maîtresses de leur enfance, la Société met en œuvre un moyen d’action puissant autant qu’ingénieux. Pendant leur séjour dans la maison, les jeunes filles sont astreintes à une tâche quotidienne qui est en quelque sorte l’acquit de leur dette vis-à-vis de la maison ; tout ce qu’elles font au-dessus de cette tâche est pour leur propre compte et sert à leur constituer un petit pécule. Mais ce pécule ne leur est pas remis au fur et à mesure ; la Société le place en leur nom à la caisse d’épargne et leur remet un livret. Lorsqu’elles sortent de la maison, on s’efforce, par des exhortations presque toujours écoutées, de les déterminer à laisser ce livret entre les mains de la Société, et on leur fait promettre d’apporter à la supérieure toutes les économies qu’elles pourront réaliser sur leurs gages ou leurs salaires. « Mes enfans, nous voulons faire de vous des rentières, » leur dit-on, lorsque, pour la première fois, on leur expliqua ce système, mis en pratique depuis quelques années seulement, et pour quelques-unes cette parole ambitieuse finira par devenir une réalité.

Ce système présente assurément beaucoup d’avantages. Sur soixante jeunes filles libérées pendant ces trois dernières années, trois seulement sont tombées en récidive, et c’est là un chiffre qui doit nous paraître très faible quand on songe qu’il s’applique à des petites Parisiennes, c’est-à-dire à ce qu’il y a de plus corrompu en France. L’organisation de la Société de patronage, qui tient un rang très honorable parmi nos établissemens d’éducation correctionnelle, peut donc sur certains points servir de modèle à beaucoup d’autres. Peut-être cependant pourrait-on imaginer mieux encore. Ce que je voudrais voir fonder, à Paris surtout, où l’on aurait pour cela toute sorte de facilités, ce serait un établissement où l’on ne garderait pas les jeunes filles jusqu’à l’expiration de leur temps de correction,