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et le troisième végète dans des conditions qui ne pourront peut-être pas toujours durer. Jusqu’à nouvel ordre les partisans de l’enseignement laïque feront donc bien de porter d’un autre côté leurs efforts et leurs revendications.

Une autre cause d’uniformité dans le régime de ces établissemens tient à l’exécution trop littérale de la loi de 1850, qui prescrit d’employer ces jeunes filles à des travaux de leur sexe, c’est-à-dire, dans la pensée évidente du législateur, à des travaux intérieurs et sédentaires. Ainsi, par abus de l’esprit de réglementation et de système, la loi de 1850 a prétendu du même coup faire des agriculteurs avec les garçons des villes, et des couturières avec les filles de la campagne ; double prétention également irréalisable. Heureusement une certaine réaction a fini par s’opérer dans la pratique, et il y a aujourd’hui des établissemens, tels que l’atelier-refuge de Rouen, la maison de Sainte-Anne-d’Auray en Bretagne et d’autres encore, où les jeunes filles sont employées aux travaux du jardinage ou de l’agriculture. Mais ce ne sont point là des occupations auxquelles il faille employer les petites Parisiennes, à moins qu’elles ne soient orphelines et qu’elles n’aient été prises en bas âge, ce qui permettrait d’espérer qu’elles ne tendraient pas fatalement à revenir à la ville. Aussi doit-on se féliciter qu’il y ait à Paris même une maison où l’on peut donner aux jeunes filles originaires de la ville l’éducation qui leur convient. C’est dans celle-là que nous pénétrerons.

La maison d’éducation correctionnelle qui est située rue de Vaugirard à l’angle de la rue de Rennes porte sur les statistiques officielles le nom de Société de patronage de la Seine. Il est impossible de trouver un nom mieux choisi et qui exprime plus exactement le but véritable de l’œuvre en écartant toute pensée de flétrissure. Mais les jeunes filles que la Société patronne ne lui en sont pas moins confiées par un jugement régulier, et leur entrée dans la maison n’a rien de volontaire. L’établissement est de date assez ancienne et a été reconnu comme œuvre d’utilité publique en 1836. La fondation en est due à Mme de Lamartine et à la marquise de Lagrange, et la direction de l’œuvre est demeurée jusqu’à sa mort entre les mains d’une femme de bien, Mme Lechevallier, inspectrice générale des maisons d’éducation correctionnelle, dont une affection fidèle conserve encore dans la maison le souvenir et la tradition. Malgré cette ingérence laïque, au moins quant à l’habit, la maison est dirigée par des sœurs de Marie-Joseph qui, par l’étendue des relations et des ressources dont dispose leur ordre, ont plus d’un moyen de venir en aide aux enfans qui s’en remettent à elles du soin de leur avenir. La dernière supérieure de la Société de patronage avait dirigé pendant vingt-six ans la maison où elle est morte, et je