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d’administration ne fassent pas réunir sous le même toit les condamnées de droit commun, les femmes détenues administrativement et le quartier d’éducation correctionnelle. Quelque précaution qu’on prenne pour distinguer de nom et de fait les différens quartiers de cette même prison, il y aura toujours dans leur rapprochement des inconvéniens sans nombre. Aujourd’hui, lorsque dans un milieu populaire on dit d’une jeune fille : « Elle a été à Saint-Lazare, » il en résulte pour elle une souillure ineffaçable, et personne ne prend souci de s’informer si elle a été enfermée dans la deuxième section avec les prostituées ou dans le quartier d’éducation correctionnelle. Il en sera de même pour celles qui auront passé par la prison nouvelle, quand bien même on devrait prendre la précaution tout à fait illusoire de faire pour le quartier correctionnel une entrée à part. D’ailleurs l’existence même de ce quartier, dont la population normale est si peu nombreuse, est-elle bien nécessaire ? Ne serait-ce pas le cas d’ouvrir pour les jeunes prévenues une de ces maisons de réception dont j’ai déjà parlé, qui leur épargnerait en cas d’acquittement l’inutile flétrissure de la prison ? Quant à celles qui seraient condamnées ou envoyées en correction pour un temps même inférieur à six mois, il serait facile de les repartir entre les établissemens d’éducation correctionnelle qui sont situés à Paris même ou dans les environs. On pourrait, en procédant de cette façon, faire disparaître dès aujourd’hui et sans attendre la construction de la prison nouvelle le quartier correctionnel de Saint-Lazare et, de toutes les réformes qu’on peut proposer, ce serait dans l’état actuel des choses la plus radicale et la seule efficace.


II

C’est une justice à rendre à la préfecture de police qu’elle n’a jamais entretenu aucune illusion sur les résultats de l’éducation donnée dans le quartier correctionnel de Saint-Lazare. Aussi s’est-elle constamment efforcée de diminuer le nombre des pensionnaires de ce quartier. Saint-Lazare recevait autrefois un assez grand nombre de jeunes filles détenues par voie de correction paternelle. Un traité récent passé avec la communauté des Dames de la Charité du Refuge oblige aujourd’hui cette communauté à recevoir les jeunes filles de la correction paternelle, moyennant une subvention de 60 centimes par jour, jusqu’à concurrence de 120. Ce chiffre n’a jamais été dépassé ; mais il est souvent atteint, car ce procédé de la correction paternelle est entré assez profondément dans les mœurs de la population parisienne, et tel père de famille qui déclame contre les empiétemens du cléricalisme n’est pas fâché de