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département de la Seine, puisque ces enfans devraient être d’abord déposés provisoirement à l’hospice des Enfans assistés, puis, au bout de six mois, immatriculés comme enfans abandonnés. Mais il n’y a pas lieu de regretter cette substitution de l’état à l’Assistance, puisqu’elle a pour but et pour résultat de conserver l’enfant à sa mère. Cette tolérance a cependant un terme. Si l’enfant atteint l’âge de trois ans avant que la mère ait purgé sa condamnation, l’enfant lui est enlevé, car il ne serait pas possible de faire de la prison une école, et cette séparation amène parfois des scènes d’autant plus douloureuses que dans la triste solitude de sa prison, privée de tous les intérêts et de tous les plaisirs, la mère s’est davantage attachée à l’enfant. Mais plus la séparation aura été pénible, plus la mère, au lendemain de sa libération, tendra à la faire cesser, et telle femme qui aurait peut-être avec insouciance laissé son enfant à la charge de la charité publique fera pour se rapprocher de lui des efforts désespérés, parce que dans l’obscur dortoir de Saint-Lazare elle aura guetté son premier sourire et le premier rayon de ses yeux.

On s’attend à éprouver une sorte de soulagement lorsqu’on passe du quartier des condamnées ou des prévenues adultes de Saint-Lazare dans celui affecté aux jeunes filles âgées de moins de seize ans dont l’entrée s’ouvre dans une cour à part. On espère qu’on va se trouver enfin en présence d’une installation plus satisfaisante et qu’on n’aura plus à lutter contre ce découragement intérieur qui vous saisit devant cette agglomération de vices que renferme la salle commune d’une grande prison. Lorsqu’on est parvenu au sommet des quatre étages qu’il faut gravir pour arriver au quartier correctionnel, le premier coup d’œil n’a rien qui soit trop défavorable. Les jeunes filles, toujours en petit nombre (à une dernière visite il n’y en avait que dix-sept), travaillent dans une salle claire et bien aérée, assises sur de petites chaises suffisamment éloignées les unes des autres pour rendre sinon impossible, du moins difficile toute conversation. Deux sœurs et une converse, sans parler d’une maîtresse de couture, exercent sur elles une surveillance constante. Elles ont un réfectoire distinct qui leur sert aussi de salle d’école et où elles passent chaque jour quelques heures assurément bien employées. Mais les cellules où elles couchent sont de véritables niches, glaciales en hiver, et ne recevant un peu d’air et de lumière que par un corridor dont elles sont séparées par un treillage en fer. Chaque cellule contient deux lits, rarement, il est vrai, occupés en même temps. Le préau, où elles passent le temps de la récréation, leur est commun avec les insoumises, et, bien que les unes et les autres s’y succèdent à des