Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/685

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transactions commerciales de Bordeaux même, ces escales profiteraient à nos chemins de fer, et surtout à nos manufactures. Ainsi entendue, l’amélioration de Bordeaux est une œuvre que l’importance de la dépense et la grandeur des difficultés placent au premier rang dans le vaste programme de travaux maritimes dont le gouvernement propose aux chambres la graduelle exécution. Le perfectionnement de nos ports étant le complément logique de l’extension de nos voix ferrées et de l’achèvement de nos canaux, les deux entreprises doivent marcher de front, se prêtant un mutuel appui.

Au moment où les décrets d’utilité publique de ces travaux maritimes d’une grandeur sans précédent vont occasionner d’énormes dépenses, il est à propos de se rappeler qu’en Angleterre de telles œuvres sont presque partout opérées par des associations locales, aux frais du commerce maritime lui-même, sans charges notables pour le trésor. Il convient également d’appliquer en France un pareil système, avec les ménagemens nécessités par la différence des situations. La marine marchande devant recevoir des primes, l’explication, ou, si l’on veut, l’excuse de ces subsides fournis par l’état, ne peut se trouver que dans l’obligation imposée à cette industrie d’avoir à subvenir aux dépenses de travaux dont elle tire un avantage immédiat. Quoi qu’il en soit, ces primes sont un palliatif bien faible contre les graves causes du dépérissement de notre marine marchande : le dégoût de la vie à la mer, survenant avec la disparition de la voile et de ce mystérieux attrait caché dans ses replis ; l’existence devenue plus facile dans les rangs de ces administrations, chemins de-fer et autres, qui n’existaient pas autrefois ; la réduction des familles, et cette sorte d’épuisement de la race qui la désarme dans la lutte même pacifique contre ces rudes marins du nord, abordant nos côtes avec leurs immenses nefs, comme dans une nouvelle invasion des Normands.

Dès l’instant que les marines étrangères sont autorisées à venir faire dans nos propres ports une concurrence active à notre pavillon, il est juste que, selon la mode anglaise, elles participent par des taxes spéciales à l’éclairage et au balisage des côtes, à l’entretien des chenaux, à la construction des bassins, à l’installation de tout l’outillage des ports. C’est à cette condition seule que pourront se réaliser les vastes entreprises proposées à l’activité de la nation, et destinées à rester comme les utiles monumens de notre temps.


F. VIDALIN.