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cet état de choses, le bien général qui en résulte l’emporte de beaucoup sur le mal particulier qu’il occasionne. Il convient donc d’attirer plutôt que de repousser les grandes compagnies de navigation étrangères, sauf à les faire contribuer par des taxes de tonnage aux dépenses des travaux maritimes exécutés pour faciliter les escales de leurs navires. C’est une charge que ces compagnies sont toutes disposées à accepter, en échange d’une plus grande sécurité pour leurs coûteux navires et d’une plus grande commodité pour leurs opérations commerciales, dont la célérité est la loi suprême. Ce que recherchent ces bâtimens toujours pressés par le temps, c’est un port accostable à toute heure et en toute sécurité, avec des quais pourvus de tout ce qui est nécessaire pour le débarquement prompt et commode des passagers et des marchandises, pour leur passage direct du pont dans le wagon. Ils doivent trouver toutes les facilités de transbordement des hommes et des choses qu’un train rencontre dans ses stations ; aussi a-t-on donné le nom significatif de « gare maritime » à ces établissemens spécialement affectés à l’accostage des navires-express. Or il faut reconnaître que la rade de Pauillac, qui sert actuellement d’escale aux paquebots relâchant dans la Gironde, ne donne point satisfaction à toutes les exigences du transit.

Ne pouvant atteindre cette rade faute d’eau, au moment de la mer basse, les navires-poste sont exposés à perdre des heures précieuses dans un mouillage incommode vers l’entrée de la rivière. La montée jusqu’à Pauillac est d’une navigation pleine de lenteurs et de risques pour ces bâtimens grands et rapides : témoin la Louisiane sombrant en quelques minutes, avec une partie de ses passagers, à la suite d’une collision avec un autre paquebot français. La cheminée et les mâts sortent encore de l’eau sur le lieu du naufrage. Ces tristes épaves conserveront longtemps le souvenir de cette catastrophe, que le choix d’une station moins intérieure aurait fait éviter. Les pilotes sont vigilans ; mais la fréquence et l’intensité des brumes, la violence des courans et l’on ne sait quelle mystérieuse et magnétique force jetant les navires les uns sur les autres, toutes ces causes produisent de trop nombreux abordages et des avaries coûteuses, tant est laborieuse la manœuvre des grands navires au milieu de la flotte de bateaux de toutes dimensions évoluant sans cesse dans ce canal étroit.

Enfin il ne se trouve à Pauillac aucune installation pour le débarquement des marchandises et la descente à terre des passagers, qui s’entassent dans des allèges, afin de remonter à Bordeaux, où ils prennent le chemin de fer. Ils subissent ainsi un allongement de plus de 100 kilomètres, qui est bien fait pour accroître les ennuis d’une