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lâchèrent pied, laissant un millier de morts sur le champ de bataille et entre les mains de l’ennemi Santa-Anna lui-même et de nombreux prisonniers.

A la suite de cette victoire, le Texas était cédé aux États-Unis, non plus comme l’avaient été la Louisiane et la Floride, à prix d’argent, mais en vertu du droit du plus fort. La politique américaine entrait dans une voie nouvelle, voie de conquête et d’annexions violentes, fatalement imposée au sud par la nécessité de maintenir sa prépondérance et de multiplier, avec le nombre des états à esclaves, celui de ses représentais dans le congrès. Cette première violation du territoire mexicain devait en entraîner d’autres dont on ne prévoyait guère alors les résultats. Et cependant le jour approchait où la doctrine Monroe allait déjouer les calculs du sud, tourner à l’avantage du nord, précipiter une crise redoutée des uns, espérée par les autres, et vers laquelle on marchait en aveugles.


IV

Au Canada, l’agitation était à son comble, et les chefs de l’opposition essayaient vainement de conjurer les événemens, convaincus que les États-Unis ne leur prêteraient aucun appui sérieux ; peu soucieux d’ailleurs de le solliciter, ils estimaient qu’un échec était inévitable et que l’Angleterre en profiterait pour supprimer les garanties politiques qui subsistaient encore. L’exaspération de la population triompha de leurs sages conseils. En 1837, plusieurs milliers de Canadiens sans armes, sans munitions, sans organisation d’aucune sorte, entamèrent une lutte héroïque contre des troupes régulières dix fois supérieures en nombre. Ces combattans improvisés n’avaient à opposer à l’artillerie des régimens anglais que des faux, des fourches, quelques vieux fusils de chasse et un canon en bois. Vainqueurs une première fois dans les plaines de Saint-Denis, ils furent tenus en échec à Saint-Charles, et complètement défaits quelques jours plus tard à Saint-Eustache[1]. Une poignée de volontaires américains tenta une diversion sur les bords du Niagara ; mais désavoués par les autorités, abandonnés à eux-mêmes, ils furent promptement refoulés par les troupes anglaises.

A la défaite succédèrent une réaction violente et une répression terrible. Les condamnations à mort, la déportation, la confiscation des biens, achevèrent ce que les armes avaient commencé. Sur la demande du cabinet, le parlement anglais vota l’union définitive

  1. Villages à quelques kilomètres de Montréal.