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d’un devoir commun, les facultés de droit et des lettres ; on persiste à affirmer qu’à Paris le nombre des auditeurs des facultés des lettres fait obstacle à tout contrôle, que toute mesure de coercition est illusoire ; on affirme qu’en tout lieu les études de droit sont déjà trop chargées pour qu’il soit possible d’y ajouter de nouvelles exigences. »

On affirme ; mais est-on bien sûr qu’on ne se trompe pas ? L’argument tiré du nombre des auditeurs se comprend à la rigueur pour Paris ; mais Nancy, mais Rennes, mais Grenoble ? Ge n’est assurément pas la foule qui fait obstacle à tout contrôle dans ces villes-là. Qui donc a pu, jusqu’à ce jour, empêcher de l’établir ? Quant à l’impossibilité « d’ajouter de nouvelles exigences aux études de droit, » on se demande où l’administration a puisé cette conviction. La seconde année de droit est chargée sans doute ; mais la première ? Qui ne sait qu’en trois mois de préparation, à coups de manuels et de répétitions, un étudiant d’intelligence moyenne peut être mis en état de passer avec succès son premier examen de droit. On ne voit pas dès lors quel inconvénient il pourrait y avoir à introduire un élément littéraire dans cet examen. S’il en était ainsi, les étudians en droit seraient bien forcés de suivre les cours de la faculté des lettres, au lieu de payer à l’état, comme il arrive aujourd’hui, la rançon de cette obligation. Cela serait plus digne pour tout le monde, et tout le monde y gagnerait : les facultés de droit aussi bien que celles des lettres, et l’état aussi bien que les étudians.

Une autre réforme, indiquée d’un trait seulement par la statistique, semble aussi devoir s’imposer : celle de la licence es lettres. Si l’on veut encourager les vocations littéraires, il faudra bien que l’administration se décide à fractionner cet examen en deux épreuves : l’une réservée aux seuls candidats à l’enseignement et portant exclusivement sur les matières d’enseignement ; l’autre, moins spéciale, moins professionnelle, et faisant une plus large part aux aptitudes personnelles de chaque candidat. C’est un fait reconnu que beaucoup de jeunes gens ayant fait de fort bonnes études de lettres et d’histoire hésitent à concourir pour la licence à cause du caractère beaucoup trop scolaire de l’examen actuel. N’a pas qui veut le goût du thème grec et des vers latins. De très bons esprits n’ont jamais pu réussir en ce genre d’exercices ; ils rebutent les uns autant qu’ils plaisent à d’autres, et tel qui serait en état de passer fort convenablement un examen d’où seraient bannies ces deux matières n’ose affronter ces terribles épreuves. Certes on ne prétend pas qu’il faille les supprimer absolument. Tant que le thème grec et le vers latin figureront dans les programmes de l’enseignement secondaire, il sera nécessaire de les maintenir dans les programmes de la licence.