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l’horizon, versant sur la nature le suc éternel par lequel la végétation se renouvelle sans cesse. Il était donc naturel de mettre, comme les Hindous les herbes sous sa protection. Sur la terre, l’herbe lunaire (Vasclépias acida) est l’herbe suprême, l’herbe par excellence, appelée comme la lune oshadipati (seigneur des herbes). Le Rig-Véda nous montre les plantes s’entretenant avec leur souveraine, la meilleure d’entre elles. Les forces curatives dispersées dans le monde végétal sont concentrées en elle, selon le Rig-Véda : « En tombant du ciel, les herbes ont dit : Cette vie que nous venons d’obtenir, l’homme ne la détruit point ; celles qui écoutent ces mots de près, et celles qui se sont éloignées en se donnant rendez-vous ici, toutes lui accordèrent la puissance curative par excellence. »

Le Libellus de virtutibus herbarum, attribué au dominicain Albert le Grand, prouve que le moyen âge avait conservé la tradition de l’herbe lunaire. L’erba lunaria possède des vertus curatives, et sa fleur, « qui croît et décroît comme la lune, » est utilisée contre l’ophtalmie et rend la vue perçante. De nos jours, les montagnards de la Majella (Abruzzes) pensent que, sous certaines conjonctions d’astres, l’herbe de la lune peut changer les métaux en or. Les jardiniers de contrées où l’esprit de doute a fait plus de progrès ne laissent pas d’imaginer encore qu’il existe entre la lune et les plantes qu’ils cultivent des affinités mystérieuses. On croyait que la lune croissante exerçait une influence salutaire, et qu’à son déclin elle remplissait les herbes de poisons : de là les relations des sorcières avec Hécate. M. de Gubernatis a entendu les paysans toscans se moquer d’un jardinier assez ignorant pour semer des pois chiches pendant le déclin de la lune. La chevelure, considérée comme une végétation, doit obéir à des lois pareilles. En Roumanie, une femme doit, pour avoir de beaux cheveux, en couper le bout quand la lune grandit.

On sait la place que le Soma occupe dans le culte de l’Inde. Chez un autre peuple aryen, les Perses, le Hoama ou Homa n’est pas moins vénéré, et les relations de l’Iran avec la Judée lui ont donné une importance toute particulière. Parmi les objets et les instrumens du sacrifice, celui qui reçoit les hommages les plus enthousiastes et les adorations les plus exaltées est le Homa, recueilli dans le mortier où le pilon broie la plante produisant le divin breuvage, qui « éloigne la mort, » qui a « été créé parfait, » qui guérit tous les maux, » qui « est pour l’âme le plus précieux trésor. »

L’Yaçna nous apprend que Homa est un personnage divin avant de devenir un breuvage sacré. Au point du jour, Homa vint trouver Zoroastre, qui purifiait l’autel du feu, et qui chantait les Gâthâs. Zoroastre l’interrogea : « Qui es-tu, ô toi, l’être le plus parfait que j’aie vu dans le monde des corps ? — Je suis, ô Zoroastre, le saint