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Dans l’intervalle, chemin faisant, on ouvre une campagne contre la préfecture de police, et cette triste compagne de l’enquête, à laquelle le gouvernement n’a pu se prêter que par une dangereuse méprise, conduit aussitôt à la désorganisation de la police, à la démission forcée du préfet, à la chute du ministre lui-même, emporté dans un tourbillon, à un premier démembrement du cabinet. C’est la faute du ministre, pris au piège de ses bonnes volontés, tant qu’on voudra ; seulement cette faute est le signe d’une situation profondément troublée où l’on craint de résister, où l’on croit se sauver par des concessions, qui n’ont jamais rien sauvé. Ainsi, en quelques semaines, sous toutes les formes, se poursuit un travail multiple et ininterrompu, mettant, pour ainsi dire, le siège autour du gouvernement, s’attaquant tantôt à un ministre, tantôt à une institution tutélaire ou à une prérogative supérieure de l’autorité publique, ébranlant tout et affaiblissant tout. Les crises succèdent aux crises, ou plutôt la crise intime est permanente ; les incidens s’enchaînent et se pressent en s’aggravant jusqu’à cette dernière question de la mise en accusation du 16 mai, qui a fini par être agitée hier en pleine chambre, à Versailles, et qui a failli être une épreuve meurtrière pour le gouvernement tout entier, pour le ministère, peut-être pour M. Jules Grévy lui-même. Arriver en six semaines à mettre à mal, tout au moins en péril, un nouveau président et le ministère d’une présidence nouvelle qu’on acclamait il y a un mois, c’eût été, on en conviendra, ne pas perdre son temps !

Était-il donc si nécessaire de s’obstiner à infliger cette épreuve à un pouvoir nouveau, de s’attacher à cette idée agitatrice d’un procès de parti dans des circonstances si complètement transformées, d’aller en un mot réveiller les souvenirs irritans d’une période qui n’est plus, d’une crise qui a passé comme un orage ? Au moment de la lutte ou au lendemain, lorsqu’on avait à rendre guerre pour guerre, lorsque les passions étaient encore chaudes du combat, un sentiment de représaille et de vengeance a pu se produire. Même dans une victoire de scrutin qui était éclatante, mais qui semblait encore disputée, qui pouvait n’être pas définitive, on croyait avoir à se défendre, à se tenir en garde contre des arrière-pensées ennemies, contre des tentatives nouvelles. On nommait des comités, on instituait une commission d’enquête parlementaire, qui devait faire son rapport « le plus tôt possible ; » soit. Aujourd’hui tout est changé. Cette entreprise du 16 mai qu’on a voulu un instant remettre sur la sellette, elle a disparu, elle a passé par toutes les phases de la défaite. Le jugement, le vrai jugement, c’est le pays qui l’a prononcé par ses votes, et la chambre elle-même n’a certes pas ménagé les témoignages de ses ressentimens par les invalidations qu’elle a multipliées. Ministres de la première heure comme de la dernière heure, députés officiels, préfets, administrateurs de toute