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appréhensions étaient permises, et l’on comprend que l’industrie considérât alors la prudence comme la première des vertus. L’horizon politique éclairci, restait l’influence des conjonctures économiques. Si tous les pays restreignent leur consommation, les productions de la France en sont nécessairement affectées. Dans les quatre dernières années, nos exportations ont constamment diminué. De 3,872 millions en 1875, elles descendent à 3,575 millions en 1876, puisa 3,436 millions en 1877, enfin à 3,369 millions en 1878. Cette diminution progressive est aggravée par les effets de nos mauvaises récoltes et des autres causes qui exercent une fâcheuse influence sur nos propres consommations.

Les partisans de la protection douanière mentionnent encore La concurrence étrangère parmi les causes du ralentissement du travail dans nos manufactures. C’est ne voir qu’un côté de la question. Nous avons importé pour 447 millions de produits fabriqués, mais nous en avons exporté pour 1,867 millions, soit pour 1,420 millions en plus. Si nous fermons la porte aux marchandises étrangères, les autres pays refuseront les nôtres, nos fabriques, ont donc tout intérêt à laisser la porte ouverte. Cet intérêt est grand surtout, on le comprend, pour le consommateur. Le mouvement protectionniste dont nous sommes témoins en ce moment est donc bien mal entendu, il ne peut que prolonger la crise et l’aggraver même, en rendant plus difficile le renouvellement des traités. L’anarchie douanière, — ce terme n’est pas trop fort, — se fera de plus en plus sentir dans les affaires, si les pouvoirs publics ne se hâtent de préparer une solution. Nous ne croyons pas avoir besoin d’insister sur ce point. Il est évident que la concurrence internationale est si utile à l’ensemble du pays que nous devons nous arranger pour vivre avec elle ; toutes les contrées se sont bien trouvées de ce régime, et, de l’aveu de tous, les États-Unis, qui s’y étaient soustraits, ont eu à le regretter ; on songe d’ailleurs de l’autre côté de l’Atlantique à réduire les droits de douane. La France, en tout cas, a plus souffert des barrières qu’on lui oppose que des facilités qu’elle offre aux autres nations, et l’esprit relativement libéral de son tarif est peut-être une des causes qui ont allégé pour nous la crise qui sévit avec tant de rigueur dans d’autres pays. Ce n’est du reste pas la seule, comme nous allons avoir l’occasion de le montrer.


III

La plupart de ces opinions sur l’origine et la durée de la crise sont fondées, ou du moins elles renferment chacune sa part de