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traiter dans les hauts-fourneau, dans les fours et les forges, à transformer le fer brut en outils, instrumens et machines de toute sorte. Le sort de ces ouvriers, non moins que celui des usiniers, dépend, il est presque inutile de le dire, de la prospérité des affaires. Dans quelques branches de cette industrie, le taux des salaires est fixé, d’un commun accord, selon un rapport déterminé par le prix des produits sur le marché le plus important. Lorsque, dans le nord de l’Angleterre, la tonne de fer vaut 20 livres sterling, l’ouvrier reçoit pour telle opération (par exemple pour puddler) 13 sh. 3 d., lorsque le prix descend à 8 livres 14 sh., son salaire n’est plus que de 9 sh. 9 d., et ainsi de suite. Or, précisément pour cette opération, la rémunération n’est plus maintenant que de 7 shillings ; elle a baissé depuis 1873 de près de 50 pour 100. En Écosse, le salaire de l’ouvrier qui extrait le minerai est en rapport avec le prix de la fonte brute ; nous avons sous les yeux un tableau où ces deux chiffres sont mis en regard pour les années 1859 à 1878, nous n’en citerons que les trois plus saillans. En 1859, le prix de la tonne de fonte étant de 51 sh. 9 d., les salaires sont à 3 sh. 3 d. par jour ; en 1872, le prix s’élève subitement à 101 shillings pour* atteindre 117 sh. 3 d. en 1873 ; les prix suivent le mouvement et vont à 7 sh. 3 d. et à 8 sh. 6 d. C’était le point culminant, il n’y avait plus qu’à descendre : la baisse survient en effet, constante et même rapide, et en octobre 1878 le prix de la fonte est à 43 sh. 9 d. et les salaires sont à 2 sh. 9 d. par jour. Les chiffres pour corroborer ces données ne manqueraient pas : un grand nombre d’usines, de fabriques, de mines sont constituées par actions, les comptes rendus sont publiés, chacun connaît le montant des dividendes distribués ; on n’a qu’à comparer le résultat des quatre dernières années pour constater une diminution presque générale du revenu, souvent dans la proportion de la moitié ou des deux tiers, et quelquefois au delà.

Dans les industries ou les salaires subissent l’effet de la fluctuation des prix de la marchandise, les rapports entre patrons et ouvriers ne s’aigrissent pas nécessairement sous la pression des conjonctures défavorables, mais il n’en est pas de même dans les branches de travail où l’ouvrier n’est pas renseigné par un coup d’œil sur le bulletin des cours. L’industrie du coton est généralement dans ce cas. Lorsque les fabricans de filés ou de tissus annoncent une réduction de salaires, même seulement de 5 pour 100, comme en novembre dernier à Oldham, leurs hommes commencent toujours par résister. Depuis trois ans cependant, beaucoup d’établissemens ont dû réduire les salaires, et de nombreuses grèves ont éclaté, mais ici la victoire n’a pas été du côté des gros bataillons. Ce qui est remarquable, c’est que souvent les grévistes ne niaient pas la mauvaise situation du marché, ils se déclaraient même