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Qui donc conseillait, à cette heure, le vieux Démos ? Je ne le distingue pas très clairement ; ce ne dut pas être, en tout cas, un homme sans valeur. Athènes montrait en cette occasion une opiniâtreté dont on ne croyait pas généralement les démocraties capables. Ajoutons que Nicias n’avait pas sollicité purement et simplement son rappel, il avait exprimé la crainte de ne pouvoir défendre convenablement les intérêts de la république et insisté pour qu’on lui donnât au moins des collègues, si l’on persistait à laisser la charge de l’expédition entre ses mains. Lamachos, — ce preux antique dont Aristophane raillait dans les Acharniens l’emphase guerrière, — était tombé sur le champ de bataille, laissant, espérons-le, un honnête remords au cœur du poète ; Alcibiade était occupé à recruter de toutes parts des ennemis contre sa patrie. Nicias restait seul. On lui adjoignit provisoirement Ménandre et Euthydème qui se trouvaient sur les lieux. Démosthène, fils d’Alcisthène, — le Démosthène de Pylos, — et Eurymédon, fils de Théoclès, — l’Eurymédon de Corcyre, — deviendraient, dès qu’ils l’auraient rallié, ses collègues définitifs. Eurymédon prit les devans avec dix vaisseaux et une somme de 82,000 francs. Démosthène retarda son départ jusqu’au jour où les arméniens décrétés seraient complets. Il devait conduire à Nicias soixante navires athéniens, cinq de Chio, douze cents hoplites d’Athènes et un grand nombre de soldats levés dans les îles.

On continuait de se battre devant Syracuse. Le terrain était devenu singulièrement défavorable pour les Athéniens et, quoi qu’ils fissent, il ne dépendait plus d’eux d’en changer. Maîtres d’Ortygie, maîtres de Plemmyrion, les Syracusains avaient toute facilité pour occuper l’entrée de la baie, large à peine de sept encablures. C’était donc dans le bassin même, adossés au fond du grand port, refoulés jusqu’à l’embouchure de l’Anapos, que les assiégeans se trouvaient contraints de livrer bataille. Nicias, pour obéir à cette situation critique, sut prendre, on le verra, des dispositions excellentes. En avant de la ligne de pieux qu’il avait plantés en mer, il établit comme une seconde estacade formée de bâtimens de charge qu’il espaça d’une soixantaine de mètres environ. De même qu’on voit dans l’arène les picadores et les chulos serrés de trop près se dérober aux atteintes du taureau en se glissant entre les poteaux qui garnissent l’entrée du cirque, de même ici les navires désemparés ou menacés de capture trouvaient sur leurs derrières un abri où venait buter l’attaque.

La défensive, grâce à ces préparatifs si bien entendus, était forte ; une flotte d’envahisseurs qui se défend n’est-elle pas cependant une flotte à moitié perdue ? Pour conquérir au moins le repos, il eût fallu