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général Bonaparte débarqué en Égypte. Il devait avant tout songer à se suffire à lui-même et compter bien moins sur les secours qui lui viendraient du Pirée que sur l’effort de ses armes et de sa politique.

La politique ! Athènes en faisait jadis un merveilleux usage. Elle portait en tous lieux les riantes promesses de la démocratie, éveillant les peuples au sentiment de leurs droits, secouant de ses fortes mains les chaînes oligarchiques et obtenant souvent de la magique devise inscrite sur son drapeau ce qu’elle eût mis des années à conquérir par la force ouverte. Mais en Sicile Athènes trouvait presque partout la démocratie déjà établie ; elle n’avait donc rien à offrir en échange de la sujétion étrangère qu’elle apportait. La force seule pouvait réaliser ses vues ; la force seule pouvait soumettre des colons doriens à la domination ionienne, chose difficile en Thrace, à peu près impossible en Sicile. La politique mise ainsi hors de cause, le plus sûr pour Nicias n’était-il pas d’amasser des briques et du fer pour commencer la circonvallation de Syracuse au printemps ?

Les tribus de l’intérieur montraient heureusement un grand zèle. Elles fournissaient des vivres à l’armée athénienne, et, ce qu’on eût à peine attendu de leur pauvreté, elles se résignaient sans murmure au paiement d’un subside. Ce n’était pas d’argent cependant que Nicias manquait ; il était plus aisé de lui envoyer d’Athènes de l’argent que de la cavalerie. 1,240,000 francs expédiés en Sicile sur les derniers transports partis du Pirée témoignaient de la ferme résolution du peuple de sortir avec honneur d’une expédition entreprise avec imprudence. Il restait d’ailleurs à Nicias un immense avantage. Nulle flotte ne lui disputait le chemin de la mer. Il avait une première fois, en embarquant ses troupes, surpris Syracuse ; le même procédé lui donna, sans coup férir, la possession des crêtes qu’il était pour lui d’un intérêt majeur d’occuper. Les généraux ennemis passaient dans les prairies qu’arrose l’Anapos la revue de leurs troupes ; Nicias en ce moment parut sur le plateau des Épipoles. Comment était-il parvenu à couronner inaperçu ces hauteurs dont le nom seul indique la position ? Une traversée de nuit, un débarquement rapide lui permirent de tromper la vigilance des Syracusains et de transporter en quelques heures son camp de la plaine de Catane au sommet des escarpemens d’où il dominait toute la ville.

La Syracuse moderne est bien loin de couvrir aujourd’hui l’espace sur lequel s’étendait autrefois la florissante cité assiégée par Nicias. L’enceinte de Syracuse n’enveloppe plus que le périmètre de l’île d’Ortygie. À droite, c’est-à-dire au nord de cette île, qui n’a pas